La clochette indésirable

Jean Paul Rusch


Elève au Collège de 1932 à 1937, Jean-Paul RUSCH a accepté de nous faire partager ses souvenirs, en particulier ceux concernant l' " Exode " en Dordogne. Merci à Madame Georgette WOLFF d'avoir provoqué ce témoignage.

Demeurant au sud de la France depuis plus d'un quart de siècle, il m'est très réconfortant d'avoir de temps en temps des nouvelles de notre chère Alsace, et ce tout particulièrement du Collège Saint-Étienne, où j'ai pu durant six ans apprécier le talent de mes professeurs successifs.

Deux ans avant la déclaration de guerre de 1939, j'ai rejoint le Collège de la Malgrange à NANCY, où existait une discipline assez stricte. Mais c'est en Dordogne. au Collège St. Joseph de PERIGUEUX que j'ai eu la joie de retrouver plusieurs anciens de St. Etienne, réfugiés tout comme moi, dans cette merveilleuse région de France, dont les habitants n'étaient pas préparés à recevoir tant de monde, ne parlant surtout pas toujours la même langue qu'eux. L'accueil fut, malgré les événements, très chaleureux et le dévouement des Périgourdins incomparable.
Afin de poursuivre mes études, j'ai dû m'inscrire au Collège St. Joseph, où je fus d'abord accueilli par le Supérieur le Père LACHEZE. puis guidé vers le Préfet du Collège, Monsieur l'Abbé BEZAC (futur Evêque de DAX) qui, après un entretien d'une heure, m'a mis en relation avec des jeunes de mon âge afin de me rendre le dépaysement moins pesant.

Il m'a aussi questionné sur mon passé et, lorsque je lui ai fait savoir que j'avais été "enfant de choeur" durant 6 ans à l'Eglise Saint Maurice de STRASBOURG, il m'a demandé s'il me serait possible de l'assister à la messe du Dimanche, étant donné que tous les assistants habituels étaient en vacances.

J'ai donc accepté cette petite charge, qui me permettait ainsi de retrouver les gestes de ma première jeunesse. C'est avec quelque appréhension que j'ai franchi l'obstacle du "CONFITEOR" et les répliques latines qui suivent. Mais j'ai bien vite pu me rendre compte que les coutumes en Alsace n'étaient pas les mêmes qu'au Périgord.
En effet, lorsqu'à l'élévation je me suis mis à sonner allègrement par deux fois trois coups, Monsieur l'Abbé BEZAC s'est retourné vers moi pour m'interroger du regard, alors que dans l'assistance, assez nombreuse en ce jour dominical, un vaque murmure se propageait. Cette situation m'a effectivement troublé, tout en me laissant perplexe. Mais mon ardeur à actionner la clochette ne s'est pas éteinte pour autant, puisqu'à la COMMUNION j'ai renouvelé ma prestation sonore; mais cette fois-ci Monsieur l'Abbé BEZAC m'a adressé un grand et long "PSCHEET". Sur le coup j'étais carrément désemparé et la faute que j'aurais pu commettre m'a fait rougir, tant l'erreur me paraissait importante.
A ce sujet, je me souviens surtout qu'à St.Maurice, à l'occasion de grandes fêtes (Paques, Noël), ou des visites de l'Evêque de Strasbourg "Monseigneur RUCH", le Curé de la Paroisse avait mis à notre disposition des clochettes spéciales (4 jumelées) afin de rendre la messe plus solennelle
Donc, à la fin de l'office, une fois rentré dans la Sacristie, j'étais dans l'attente d'une réprimande, mais surtout avide de connaître la raison de ce "PSCHEET" appuyé. J'ai alors appris que les sonneries n'étaient pas d'usage à ces moments-là, contrairement à ce qui se faisait en Alsace.
J'ai bien pris note de cette particularité, non sans être une nouvelle fois affecté, lors de ma sortie de l'Eglise, me trouvant alors en face de toutes les personnes dont j'ai pu entendre les murmures durant l'office, et j'en ai bien sûr été très intimidé comme on pouvait l'être à cet âge.

Mais revenons à notre cher Collège St.Etienne, car c'est grâce à Madame WOLFF (ex-Baumann), notre Institutrice des classes de 8ème en son temps, que j'ai pu renouer avec quelques anciens qui ont encore le bonheur d'être présents. En effet, c'est en consultant la nomenclature des anciens élèves de St.Etienne que j'ai eu la joie de retrouver quelques noms de mes camarades d'école tels que - Ehrhard - Ernewein - Siat - Klaiber - Kraemer - Badina - Wandhammer - Brubach - Schwartztrauber - Cremmel - Kastner.. - etc.

Tous ces souvenirs sont très loin, et chaque ami s'est forgé son propre avenir selon son espérance et sa volonté; car ne l'oublions pas "l'avenir n'est écrit nulle part".

C'est donc un salut très cordial que j'adresse à tous ceux qui me reconnaîtront, dans l'espoir peut-être de les revoir un jour lors d'une réunion dans notre inoubliable Alsace