A propos de l'annexe de Saint Etienne à Saint Joseph

Louis SCHLAEFLI

Une fois encore, Louis SCHLAEFLI a gentiment et efficacement répondu à nos sollicitations. Il en résulte un article extrêmement instructif concernant le thème central de l'Echo 2003, à savoir l' " Annexe Saint-Joseph ". Nous l'en remercions vivement !



Le touriste qui s'égare dans la Rue des Couples ne manque pas d'être surpris à la vue de la merveilleuse façade en grès d'un hôtel du XVIIIème siècle, enclavée et quelque peu étranglée par le bâti environnant. Il sera tout aussi étonné d'apprendre que cette demeure historique abrite des salles de classe tout à fait ordinaires.
Mais le site, qui était celui de l'ancien "Foyer Saint-Joseph", est plus vaste et renferme d'autres bâtiments, dont l'un date, du moins sa structure, de 1577. Ce complexe de bâtiments a été, en majeure partie, acquis par le Collège Saint-Étienne le 23.12.1998. En effet, un bâtiment qui donne sur l'impasse de l'Ancre ainsi que la salle de spectacles adjacente ont été détachés de l'ensemble pour être mis à la disposition de l'"Association Sportive et Culturelle Saint Joseph" qui y fonctionnait antérieurement.
Lors du centenaire de l'institution, en 1856, l'archiviste de l'Evêché en avait retracé l'histoire . Nous reprenons ici certaines de ses données, enrichies de quelques autres .

LES LIEUX

Les bâtiments de l'ancien "Internat Saint-Joseph" dans l'impasse de l'Ancre

Mais nous évoquerons d'abord les bâtiments implantés au fond de l'Impasse de l'Ancre qui ont abrité en premier lieu le pensionnat Saint-Joseph.
L'impasse s'appelait au XVe siècle ruelle Panphilin, du nom d'une branche de la famille noble des Zorn, mais a pris le nom de la tribu des bateliers, Zum Anker, qui avait son siège à l'auberge qui formait le coin de l'impasse et dont il subsiste la magnifique façade sur le quai.
Le fond de l'impasse est barré par une propriété "connue depuis un siècle et demi sous le nom de Kohlenhof (cour ou enclos de Kohl)", écrivait Schneegans en 1849. Ce Kohl était marchand de vin en gros. "Toute la partie de derrière... formait dépendance de la cour ou de l'enclos dit Kohlenhof. Il en était de même ... de la petite cour qui, de l'autre côté, donne sortie de cet enclos dans la rue Madeleine".
Le porche au bout de l'impasse donne accès à la cour intérieure ; à main gauche s'étire le bâtiment de 1577, non encore aménagé pour le moment.
Devant ce bâtiment, chemine le Schlupf qui donne sur la rue Sainte Madeleine, barré par un autre porche.

Visite des lieux avec un ancien interne
"Au fond de la ruelle (de l'Ancre) s'ouvre encore aujourd'hui la même porte cochère qui livre passage dans la cour. Dans la maison à gauche (le bâtiment de 1577) se trouvait jadis tout d'abord le réfectoire de la cuisine populaire... Ici des clochards pouvaient, pour quelques centimes, avoir une soupe chaude et quelques légumes mêlés de viande. A la suite se trouvait la petite chambre de réunion de la Conférence de Saint Vincent de Paul, propriétaire de l'immeuble. Toutes les semaines on pouvait voir les vénérables messieurs venir là pour tenir leur réunion. Par le même sombre couloir, on accède au vieil escalier qui mène d'abord au local de l'étude et plus haut aux chambres du Supérieur et aux dortoirs des grands. Un escalier montait plus haut au "Juheh" où perchait enfin un autre dortoir.
A droite de l'entrée, on accédait d'abord au parloir et ensuite à la cuisine. Au-dessus, au premier étage, il y avait le logement de la sœur supérieure. Le bâtiment à droite dans la cour contenait au rez-de-chaussée le réfectoire, tandis qu'aux deux étages supérieurs il y avait des dortoirs. Le tout était flanqué de la villa "Bocka". Une statue de St. Joseph , ornée de fleurs vivantes, égayait le mur de ce bâtiment et toute la cour. Le troisième côté était formé par un hangar renfermant, outre les toilettes, les fameux combles aux malles qui contenaient les précieux appoints en vivres que les mamans, soucieuses du bien-être de leurs chers enfants, renouvelaient régulièrement
Dans ce cadre simple, plutôt pauvre, vivait cependant une jeunesse heureuse".
Le jeune Oberlechner a été effrayé, lors de son arrivée, par l'état des lieux : "Der Klepperes war ein altes Kastell, das sich auf beiden Seiten an den anderen Häusern hielt, um nicht umzufallen" et a voulu s'en aller aussitôt : "Nein ! In diesem Loch bleib ich nicht" .

Cour de l'internat St-Joseph.

A gauche du platane, un bout de la façade de l'ancienne chapelle ; au fond, le hangar, surmonté des combles aux malles ; à droite, la tourelle de l'escalier qui menait aux dortoirs implantés au-dessus du réfectoire, qui occupe toujours le rez-de-chaussée du bâtiment de droite.


Nous reparlerons plus loin de la chapelle. Nous ignorons ce qui constituait la villa "Bocka". Le hangar surmonté des combles aux malles a cédé la place, en 1960, à un bâtiment moderne, qui abritait une salle de loisirs, des chambres (à 2, 3 ou 4 lits), les rangées de lavabos et les toilettes des internes. La partie de droite, ancienne, comporte toujours la salle à manger au rez-de-chaussée, mais des salles de classe dans les étages. L'actuel passage entre les deux cours, antérieurement sur bâti, était constitué de bâtiments d'époques diverses, qui ne méritaient pas d'autre sort que la démolition. Quant au petit bâtiment à droite du porche d'entrée (l'ancien parloir, sans doute), il se trouvait dans un état si ruineux qu'il a fallu le reconstruire, puisqu'il était protégé.
En raison de la présence de vieilles maisons à colombage dans cette cour, tel journaliste a qualifié le Kohlenhof de "Elsässisch(er) Hof" (Cour alsacienne) en 1959, à l'époque où subsistait encore l'ancienne chapelle, qualifiée de vilaine... verrue ("unschöne Warze") . Elle n'a pas gagné au change !

L'ancien Kuppelhof

La rue du Lévrier Blanc (Weisse Windt Gass), est devenue rue des Couples parce qu'elle allait buter sur le Kuppelhof, ancêtre du bel hôtel du XVIIIe siècle, qui continue d'ailleurs d'être appelé Kuppelhof par les vieux Strasbourgeois. C'est à cet emplacement qu'était "implanté le haras, municipal puis privé, dit Kuppelhof où, jusqu'en 1681, se pratiquait l'accouplement des chevaux pour renouveler les montures de la cavalerie urbaine" .
Seyboth est plus explicite encore : "L'impasse (!) des Couples doit son nom au vaste immeuble auquel elle aboutit et qui porte, depuis la fin du XVIe siècle, le nom de Kuppelhof. Un titre de 1574 l'appelle "der Musterhof darin man pflegt Pferd zu mustern und zu verkaufen" et un autre de 1591 "der Kuppelhof". Dès 1548, le Magistrat avait renoncé à l'élevage des chevaux qui entraînait peut-être trop de frais pour la ville, pour laisser à l'initiative privée le soin de pourvoir à la remonte de la cavalerie urbaine. C'est ainsi que, tour à tour, Nicolas Hag, Josias Schoner, Jean-Daniel et Jean-Frédéric Richshoffer furent propriétaires de ce haras où se pratiquaient les saillies, les accouplements et que l'établissement prit le nom de Kuppelhof".
La rue était jadis plus étroite encore que l'actuelle. Un fabricant de poudre demeurait dans une maison qui donnait sur la partie droite de celle-ci ; elle explosa le 28 novembre 1581, causant la mort de onze personnes ainsi que d'importants dégâts matériels . "Le magistrat en prit occasion pour élargir la ruelle du lévrier blanc, afin de donner plus d'air et de jour aux habitants et une avenue plus commode à leurs immeubles". On procéda à un alignement du côté droit de la rue, mais on ne démolit pas "une maisonnette faisant partie du Kuppelhof" et qui faisait saillie au fond de la rue. Elle était implantée à l'emplacement de la rue qui contourne aujourd'hui l'hôtel.

La Weiße Windt Gaß avec le Kuppelhof qui la barre et en fait une impasse (1585)

"En 1585, le Kuppelhof appartenait à la veuve de George Späder" ; celle-ci était également propriétaire d'une maison sur le côté gauche de la rue et qui faisait pendant à la maisonnette évoquée ci-dessus. Jonas Schoner était propriétaire du tout en 1597 et le notaire Stillkraut en 1623. Seyboth nous a fourni les noms des propriétaires ultérieurs, avant Hammerer.

L'hôtel particulier de Jean Hammerer

Jean Hammerer, échevin de la tribu du Miroir, acheta le Kuppelhof désaffecté en 1756 et fit ériger à son emplacement, vers 1762, un hôtel en fer à cheval, "encore dans le goût du rococo strasbourgeois" .
L'élévation sur la rue des Couples n'est, en fait, que "la façade postérieure du corps central, qui comporte huit travées sur trois niveaux séparés par des bandeaux ; le décor sculpté se concentre sur les clefs de cintre du premier étage et sur le portail du passage d'entrée, décalé à droite pour des raisons pratiques... La symétrie règne, en revanche, sur le bel ensemble de façades côté cour avec... une focalisation de l'ornement sur le corps de logis médian à sept travées d'où se détachent encore, couronnées par un fronton triangulaire, les trois travées de l'avant-corps central... A l'étage, la porte-fenêtre médiane ouvre sur un balcon galbé en fer forgé, porté par des consoles sculptées...
Les ailes latérales alternent deux à deux leurs six travées avec une accentuation du décor dans l'élément médian ; chacune est accessible par un portail latéral... Là, chaque escalier à balustres en bois conserve trois beaux départs sculptés".
Quant au décor intérieur, les derniers restes originaux (portes, boiseries,...) ont disparu lors du récent chantier . Iconoclasme moderne !
La ferronnerie qui complète l'ornementation sculptée comprend la grille du balcon central et un magnifique portail en fer forgé. Celui-ci a certes été déplacé, mais réutilisé. Il est prolongé, de part et d'autre, par une simple grille qui remplace les anciens murs démolis ; de la sorte, le passant peut admirer ce bel hôtel particulier dans sa totalité.
Il est heureux que les bâtiments modernes adjacents à l'aile droite aient été démolis, faisant disparaître le "Canal de Suez" dont nous reparlerons, mais cette percée laisse, hélas, apparaître le triste mur de la salle de spectacles : une couche de crépi arrangerait la situation.

" Pendant les premières guerres de la République, le Kuppelhof renferma les bureaux de la Poste militaire" .
"Au moment où éclata la première révolution, le Kuppelhof était propriété du Sr Hammerer, négociant, prédécesseur du Sr Hecht", propriétaire en 1849, notait Schneegans. Est-ce ce dernier qui a vendu la propriété à la Société St Vincent de Paul ?

Le bâtiment neuf

Au fond de la petite impasse, à main gauche de l'entrée de l'hôtel Hammerer a été construit en 1959/60 un bâtiment en hauteur auquel il faudra bien donner un nom un jour pour l'identifier.

Les chapelles

Le lecteur sera étonné de nous voir utiliser le pluriel : c'est qu'il y eut apparemment trois chapelles, dont deux érigées au même emplacement.
L'ancien pensionnat de l'impasse de l'Ancre n'en disposait pas à l'origine, semble-t-il. En effet, les internes de la Société St. Joseph se rendaient "le dimanche à la messe au Münsterhof (chapelle des Jésuites)" . Chaque premier vendredi du mois, les élèves rehaussaient par leur chant "le salut du soir, célébré en l'église Sainte-Madeleine" .
Mais une chapelle fut aménagée en 1904 à l'emplacement de celle qui subsiste :"Enfin le carré est fermé par une longue bâtisse basse, dans laquelle fut aménagée la chapelle en 1904. Elle s'y trouve encore aujourd'hui (= 1956) à l'ombre de deux hauts platanes, plantés par M. le chanoine X. Keller", écrivait F. Reibel .
Cette initiative se comprend dans la mesure où depuis 1902, l'internat St-Joseph disposait d'un Supérieur prêtre, qui résidait sur place et pouvait assurer une messe quotidienne et d'autres offices. Mais elle est avant tout la résultante de l'incendie de l'église Sainte Madeleine en 1904, dans laquelle se faisaient jusque-là les offices.
Grâce à une carte postale, avec cachet postal de 1936, nous en connaissons l'aspect intérieur, à moins qu'il ne s'agisse d'une chapelle installée au rez-de-chaussée de l'hôtel Hammerer. Hormis l'autel (un réemploi ?), elle ne comportait rien de valable : les statues semblent toutes en plâtre.
Une petite chapelle fut installée au Kuppelhof, pendant qu'on aménageait l'ancienne . Elle semble avoir survécu, puisqu'en 1970, le chanoine Damistier signale aux autorités que le Foyer est devenu "le P.C. de l'Aumônerie du lycée Fustel avec deux chapelles" .
Au même emplacement que l'ancienne, a été érigée, en 1959/60, à l'instigation du même chanoine Damistier, une chapelle en béton, qui constitue une véritable verrue dans cet ensemble architectural. Les cartons des vitraux ont, semble-t-il, été fournis par "Maître" Marcel Schwartz, longtemps professeur de dessin à Saint-Etienne . C'est également lui qui aurait réalisé la croix en béton qui surmonte l'entrée.
Après le décès du chanoine Damistier, il n'y avait plus d'ecclésiastique sur place et elle ne devait plus servir grandement. Elle a finalement été mise à la disposition d'une communauté catholique de rite ukrainien. Mais, après la fermeture du foyer, elle a été victime d'un acte de vandalisme, à la suite duquel une belle Vierge en bois a dû être mise en sécurité .

L'INTERNAT-FOYER SAINT-JOSEPH ET LES DIVERSES PARTIES PRENANTES

L'histoire de l'institution est complexe du fait de la multiplicité des parties prenantes successives ou simultanées ; nous essayerons de faire le point à ce propos.

La Société de Saint Vincent de Paul

Elle a été fondée à Strasbourg, à l'image de celle de Paris, en 1840, par l'abbé Jacques Mertian pour répondre à des besoins sociaux nouveaux. Avec le concours des Sœurs de la Charité de Strasbourg, elle ouvrit une première "soupe populaire" en avril 1855, sous le patronage de Notre Dame, puis une seconde, appelée St-Joseph, en novembre de la même année dans le Fossé des Tanneurs, une troisième dans la Krutenau, sous le patronage de Sainte-Odile, en 1856.
La seconde seule nous intéresse ici. Bien vite, deux autres œuvres allaient se greffer, sans doute dès 1856, sur cette cuisine populaire St-Joseph : une crèche et un internat pour apprentis et élèves pauvres du Petit Séminaire de Saint-Louis, qui s'appellera "Pensionnat Saint-Joseph". Finalement cet internat fut réservé à ces derniers. Les apprentis furent dirigés sur l'"Oeuvre Saint-Joseph", implantée rue des Juifs.
Le 2.07.1864, la Société de Saint Vincent de Paul acheta une série de maisons autour du Kohlenhof, au fond de l'impasse de l'Ancre ; l'acquisition, le transfert et les transformations opérées coûtèrent dans les 90.000 francs. La cuisine populaire pour les pauvres fut également transférée et fonctionna jusqu'en 1939 au rez-de-chaussée du bâtiment de 1577.

Le "Pensionnat Saint-Joseph"

Alors que jadis il n'arrivait à abriter que 30 pensionnaires, il pouvait en accueillir une bonne cinquantaine dans les nouveaux locaux de l'impasse de l'Ancre. En 1861, le Petit Séminaire était transféré dans les bâtiments tout neufs de Saint-Étienne, qui avait son propre internat. Il semble que les séminaristes pauvres soient allés à Saint-Joseph, alors que la clientèle "bourgeoise" restait à Saint-Étienne, qui, à terme, disposait de 360 places pour les internes. Le Pensionnat était placé sous la direction des Sœurs de la Charité.
Il servit d'hôpital militaire pendant le siège de 1870, mais rouvrit ses portes aux petits séminaristes jusqu'au jour fatidique du 24 juin 1874 où le Collège Saint-Étienne fut fermé d'autorité par les Allemands dans le cadre du Kulturkampf .
Le recrutement sacerdotal était menacé et il ne fut même pas permis à Mgr Raess d'ouvrir un internat dont les pensionnaires auraient fréquenté le lycée d'État. Il fut permis à Mgr Stumpf de rouvrir la maison en 1886, mais sans second cycle : elle était ravalée au rang de collège (Bischöfliches Gymnasium zu S. Stephan), ce qui lui vaut le qualificatif impropre qu'elle porte toujours.
Le pensionnat de Saint-Joseph rouvrit évidemment ses portes aux élèves de Saint-Etienne lors de sa réouverture. L'effectif ira croissant : 46 en 1886/87, 67 en 1893/94 et culminera à 103 en 1900.
L'internat fonctionnait au départ sous la direction des Soeurs de la Charité d'une façon qui paraîtrait "folklorique" aujourd'hui, si l'on se fie aux pages humoristiques du fameux curé Oberlechner, ancien pensionnaire des lieux ; les grands surveillaient les études et les dortoirs des petits. Il se trouve que le fait est confirmé par l'historien de la maison .
En 1902, Mgr Fritzen trouva le nombre de pensionnaires trop élevé et regretta surtout que les grands ne fussent pas séparés des petits. Il voulut transférer les grands à l'internat de Saint-Étienne, ce qui suscita une vive polémique dans la presse. Il contourna la difficulté en nommant un prêtre à la tête de l'établissement, avec le titre de Supérieur. Les titulaires ne furent pas nombreux :
- l'abbé Désiré Ohlmann (1902-1904), professeur à Saint-Étienne, qui ne s'entendait manifestement pas avec la sœur Angeline qui avait jusque-là dirigé la maison, et qui fut mutée.
- l'abbé Jérémie Keller (1904-1920+), tout jeune professeur, qui eut à batailler pour redresser l'effectif qui avait passé de 102 (1902/03) à 74 (1903/04), enfin à 59, l'année suivante. Il remonta à 92 en 1918. Il venait d'être nommé Supérieur de Zillisheim, lorsqu'il mourut le jour de la St-Joseph 1920, à l'âge de 46 ans.
- l'abbé Lucien Jenn (1920-1925), qui favorisa le sport et le théâtre français.
- l'abbé François-Xavier Keller (1925-1939 ; 1945-1946), frère de Jérémie. Il devint Supérieur du nouveau Petit Séminaire de Walbourg, qui eut aussi pour patron St Joseph. Ses petits séminaristes l'y accompagnèrent. Mgr Weber avait créé Walbourg dans cette optique .
L'internat n'avait pas eu le droit de rouvrir pendant la guerre ; la maison avait recueilli le Bon Pasteur, dont le couvent avait été occupé par les Allemands.

L'"Œuvre des Jeunes Apprentis et Ouvriers" et le "Foyer des apprentis St. Joseph"

Les abbés Jacques Mertian et Théodore Ratisbonne, qui faisaient partie des "Messieurs de Saint-Louis", regroupés autour de l'abbé Bautain, avaient commencé par donner des cours du soir, à l'école de la rue de la Toussaint, à de jeunes apprentis et ouvriers, pour les tirer des dangers de l'oisiveté et les perfectionner dans leur savoir. Lors de leur départ de Strasbourg, Mertian confia l'œuvre à la "Société de St Vincent de Paul", qui créa en son sein, en 1841, la "Société de St-Joseph", qui devait œuvrer dans le même but.
Dès 1864, l'"Œuvre des Jeunes Apprentis", dont nous avons déjà parlé plus haut, était revenue cohabiter avec le Pensionnat et occupa seule la maison pendant quelques années, après la fermeture de Saint-Etienne.
Cet internat fut bientôt surnommé le Klepperes (Klepp, en abrégé), à cause du bruit des sabots des pauvres internes qui se rendaient le dimanche à la messe à la chapelle des Jésuites au Münsterhof . Le surnom finit par s'étendre à toute la maison et avait cours jusqu'à sa fermeture, et même au-delà pour les anciens.
Après le retour des internes de Saint-Étienne, on manquait sans doute quelque peu de place. C'est probablement, outre l'opportunité, la raison pour laquelle la Société de Saint Vincent de Paul acquit en novembre 1891, l'hôtel Hammerer (ou Kuppelhof) ainsi qu'une autre maison, le 6 de l'impasse de l'Ancre, qui fut abattue et remplacée par la salle de théâtre et le petit immeuble en briques, ensemble qui est redevenu propriété de la "Société Saint-Joseph" en 1998.
En 1894, l'abbé Xavier Metz fonda un Foyer au Kuppelhof, sans doute l'ancêtre du "Foyer Saint-Joseph".
Le 3 décembre 1935 fut créée l'association du "Foyer des apprentis St. Joseph" qui coexista avec la "Société Saint-Joseph" repliée dans son immeuble de l'impasse de l'Ancre et sa salle de spectacles.
L'évacuation en 1939 et l'occupation par les Allemands interrompirent évidemment toute activité.

La "Société Saint-Joseph", la "Société Immobilière Saint-Joseph", le "Cercle Saint-Joseph" et la "Jeunesse Chrétienne Saint-Joseph"

La "Société St-Joseph" d'origine, avec son foyer de jeunes apprentis et ouvriers, a dû finir par se dissocier, sans doute lors de l'acquisition du "Kuppelhof". Une nouvelle entité, appelée plus tard "Jeunesse Chrétienne Saint-Joseph" ("fondée en 1841" !), réputée par ses sections de gymnastique, dont l'organisme de tutelle était la "Société Immobilière Saint-Joseph", s'est implantée au 6, impasse de l'Ancre.
La Société fut dotée d'aumôniers , dont le premier fut le plus célèbre, l'abbé Félix Korum, futur évêque de Trèves.
Pour élargir son champ d'action, elle avait créé, à côté du patronage, le "Cercle des Jeunes Ouvriers et Employés de Commerce" et acquis un jardin, rue Saint-Urbain, qui allait servir de terrain de sport et devenir le "stade Saint-Joseph".
Après 1945, elle a progressivement restauré la salle de spectacles endommagée par les bombardements de 1944 et a pu reprendre les représentations théâtrales, "seules ressources permettant à la société de vivre". Elle servit également aux activités des 250 "Cœurs Vaillants" de la paroisse Sainte-Madeleine, ...
La coexistence avec le "Foyer Saint-Joseph" connut des hauts et des bas. Les internes du Foyer étaient autorisés à passer par cette salle de spectacles pour se rendre au réfectoire, avec les problèmes que l'on imagine aisément ; "nous avons continuellement vécu sous la menace d'interdiction de passage à travers la salle, nous querellant au sujet de portes ouvertes, de carreaux cassés, ...", écrivait l'abbé Damistier .
Le problème s'envenima lorsqu'en 1953 le Foyer Saint-Joseph essaya d'implanter, plus ou moins de force, son réfectoire dans la salle de spectacles, "grande salle qui ne sert que très rarement" . Mais il dut battre en retraite.
Sans doute ce différend est-il à l'origine du "percement" du fameux "Canal de Suez", ce tunnel sombre à chicane reliant les deux complexes de bâtiments, percement qui devait mettre fin aux querelles en question. Il a disparu lors du dernier chantier, en même temps que d'autres constructions adventices, comme le petit réfectoire des hôtes et les anciennes cuisines, agrandissant de la sorte la cour de récréation.
La salle de spectacles, objet du litige, réunissait pourtant les amis du Foyer Saint-Joseph lors de sa kermesse annuelle.

Le "Foyer Saint-Joseph" ("Association du Foyer Saint-Joseph-Saint Vincent de Paul").

L'abbé Vital Bourgeois fut chargé, après la Libération, d'engager les pourparlers avec la Société de St. Vincent de Paul pour la réouverture de la maison. Il signa une convention avec elle et put rouvrir le "Foyer Saint-Joseph", qui sera géré à terme par l'"Association du Foyer Saint-Joseph - Saint Vincent de Paul".
Il ouvrit ses portes non seulement à de jeunes apprentis, mais également à des élèves fréquentant divers types d'établissements scolaires collèges, lycées, écoles techniques, centres d'apprentissage. Il occupera également les bâtiments du Kohlenhof après le départ des séminaristes à Walbourg, en 1946.
La maison eut pour directeurs successifs :
- l'abbé Vital Bourgeois (1945-1951), qui se faisait assister par l'abbé Rémi Damistier, aumônier au Lycée Fustel de Coulanges.
- l'abbé Rémi Damistier (1951-1986+), appelé Dada, aumônier de Lycée et dernier directeur ecclésiastique,
- M. Bernard Lairé,
- M. Bernard Robin.
La maison était aussi devenue le "P.C. de l'Aumôneiie du Lycée Fustel de Coulanges, et abritait les locaux des scouts, de la J.E.C., l'appartement d'un aumônier" . Les abbés Gardette, Cocaud, Rïbolzi, Rèbre, ... étaient les commensaux de la maison.
En 1970, le Foyer était équipé pour recevoir 230 internes, dont une trentaine de places réservées pour les apprentis. Les collégiens et lycéens étaient hébergés soit dans des dortoirs (60 lits), soit dans des chambres (140 lits).
Lorsque le Collège Saint-Etïenne ferma son internat, les derniers internes trouvèrent abri au Foyer Saint-Joseph, qui devint officiellement l'internat de Saint-Etienne et son directeur assistait régulièrement aux réunions de direction et au Conseil d'Etablissement de Saint-Etienne. Mais le nombre d'internes s'amenuisa progressivementjusqu'au jour où il n'y en eut plus du tout.
La construction de collèges et de lycées un peu partout en Alsace eut une répercussion négative sur les internats, notamment sur ceux qui étaient implantés en ville. Après Saint-Etienne, SaintJoseph fut touché par la chute des effectifs. Sa clientèle se fit plus cosmopolite.
Dans les dernières années de fonctionnement, les façades et les toitures de l'hôtel Hammerer, Monument Historique, avaient été restaurées dans les règles de l'art, mais les locaux ne répondaient plus aux normes de sécurité et auraient eu besoin d'importantes modifications, alors que les finances allaient progressivement à la dérive, à la suite de l'effritement de l'effectif. L'Assemblée Générale Extraordinaire de l'Association du 19juin 1997 décida la fermeture provisoire du Foyer ; en fait, elle sera définitive.
Au cours de la même séance fut élu un Bureau, présidé par M. Robert Fritsch. Celui-ci portera tous les soucis de la maison vide, occupée par des squatters et exposée à tous les dangers. Au cours d'une nouvelle Assemblée Générale Extraordinaire, tenue le 5 octobre 1997, est décidée la dissolution de l'Association ainsi que son absorption et transfert de son patrimoine au profit de la "Fédération de Charité du Diocèse de Strasbourg", qui devra combler le passif.

Acquisition par le Collège Saint-Etienne

Etant donné l'exiguïté des cours de Saint-Joseph, il ne semblait pas, a priori, que le site pût intéresser Saint-Etienne, qui cherchait depuis longtemps à délocaliser les classes primaires. Cela finit pourtant par se faire.
Saint-Etienne vivait depuis longtemps à l'étroit dans ses murs, avec ses 1800 élèves. En 1991, le Collège avait acheté l'ancienne Ecole des Missions des PP capucins à Koenigshoffen, dans laquelle fonctionnait de longue date l'Ecole "Joie de Vivre", annexée d'autorité à Saint-Etienne, pour en assurer la survie, mais aussi dans l'idée d'y transférer, à terme, toutes les classes primaires. Les classes franco-allemandes y furent implantées dans un premier temps ; le reste du Primaire aurait dû suivre. Mais la chose ne semblait pas vouloir se réaliser ; tout le monde traînait des pieds.
Pour les parents, il n'était pas évident de déposer leur fils à Saint-Etienne et leur fille à Koenigshoffen quelques minutes plus tard. Les institutrices ne manifestaient pas un enthousiasme délirant pour cette délocalisation. Ce n'était pas la bonne solution ! Il fallait trouver un site plus proche de Saint-Etïenne : ce serait Saint-Joseph.
Des embûches diverses risquaient de faire capoter le nouveau projet ; le mot "magouilles" a été officiellement utilisé pour les qualifier, àjuste titre d'ailleurs. Le signataire de ces lignes n'est pas peu fier d'avoir pu se faire entendre par Mgr Doré, le 17 juin 1998, à l'issue d'une réunion de la Fédération de Charité à Epfig. La situation se débloqua à la suite de cet entretien.
Le 23.12.1998, l'acte de vente pouvait être signé. Les classes franco-allemandes s'implanteront à Saint-Joseph dès la rentrée suivante. Saint-Etienne s'endetta pour mettre les locaux en conformité et les approprier à leur nouvelle destination. Il reste encore à aménager le bâtiment de 1577. Le 12 octobre 2002, l'"Annexe Saint-Joseph" fut solennellement inaugurée, sous la présidence de Mgr Doré et en présence des autorités civiles.
A Saint-Etienne, les classes secondaires purent à nouveau s'installer un peu plus au large, c.q.f.d.