Louis SCHLAEFLI
Une fois encore, Louis SCHLAEFLI a gentiment et efficacement répondu à nos sollicitations. Il en résulte un article extrêmement instructif concernant le thème central de l'Echo 2003, à savoir l' " Annexe Saint-Joseph ". Nous l'en remercions vivement !
LES LIEUX
Les bâtiments de l'ancien "Internat Saint-Joseph" dans l'impasse de l'Ancre
Mais nous évoquerons d'abord les bâtiments implantés au
fond de l'Impasse de l'Ancre qui ont abrité en premier lieu le pensionnat
Saint-Joseph.
L'impasse s'appelait au XVe siècle ruelle Panphilin, du nom d'une branche
de la famille noble des Zorn, mais a pris le nom de la tribu des bateliers,
Zum Anker, qui avait son siège à l'auberge qui formait le coin
de l'impasse et dont il subsiste la magnifique façade sur le quai.
Le fond de l'impasse est barré par une propriété "connue
depuis un siècle et demi sous le nom de Kohlenhof (cour ou enclos de
Kohl)", écrivait Schneegans en 1849. Ce Kohl était marchand
de vin en gros. "Toute la partie de derrière... formait dépendance
de la cour ou de l'enclos dit Kohlenhof. Il en était de même ...
de la petite cour qui, de l'autre côté, donne sortie de cet enclos
dans la rue Madeleine".
Le porche au bout de l'impasse donne accès à la cour intérieure
; à main gauche s'étire le bâtiment de 1577, non encore
aménagé pour le moment.
Devant ce bâtiment, chemine le Schlupf qui donne sur la rue Sainte Madeleine,
barré par un autre porche.
Visite des lieux avec un ancien interne
"Au fond de la ruelle (de l'Ancre) s'ouvre encore aujourd'hui la même
porte cochère qui livre passage dans la cour. Dans la maison à
gauche (le bâtiment de 1577) se trouvait jadis tout d'abord le réfectoire
de la cuisine populaire... Ici des clochards pouvaient, pour quelques centimes,
avoir une soupe chaude et quelques légumes mêlés de viande.
A la suite se trouvait la petite chambre de réunion de la Conférence
de Saint Vincent de Paul, propriétaire de l'immeuble. Toutes les semaines
on pouvait voir les vénérables messieurs venir là pour
tenir leur réunion. Par le même sombre couloir, on accède
au vieil escalier qui mène d'abord au local de l'étude et plus
haut aux chambres du Supérieur et aux dortoirs des grands. Un escalier
montait plus haut au "Juheh" où perchait enfin un autre dortoir.
A droite de l'entrée, on accédait d'abord au parloir et ensuite
à la cuisine. Au-dessus, au premier étage, il y avait le logement
de la sur supérieure. Le bâtiment à droite dans la
cour contenait au rez-de-chaussée le réfectoire, tandis qu'aux
deux étages supérieurs il y avait des dortoirs. Le tout était
flanqué de la villa "Bocka". Une statue de St. Joseph , ornée
de fleurs vivantes, égayait le mur de ce bâtiment et toute la cour.
Le troisième côté était formé par un hangar
renfermant, outre les toilettes, les fameux combles aux malles qui contenaient
les précieux appoints en vivres que les mamans, soucieuses du bien-être
de leurs chers enfants, renouvelaient régulièrement
Dans ce cadre simple, plutôt pauvre, vivait cependant une jeunesse heureuse".
Le jeune Oberlechner a été effrayé, lors de son arrivée,
par l'état des lieux : "Der Klepperes war ein altes Kastell, das
sich auf beiden Seiten an den anderen Häusern hielt, um nicht umzufallen"
et a voulu s'en aller aussitôt : "Nein ! In diesem Loch bleib ich
nicht" .
Cour de l'internat St-Joseph.
A gauche du platane, un bout de la façade de l'ancienne chapelle ; au
fond, le hangar, surmonté des combles aux malles ; à droite, la
tourelle de l'escalier qui menait aux dortoirs implantés au-dessus du
réfectoire, qui occupe toujours le rez-de-chaussée du bâtiment
de droite.
Nous reparlerons plus loin de la chapelle. Nous ignorons ce qui constituait
la villa "Bocka". Le hangar surmonté des combles aux malles
a cédé la place, en 1960, à un bâtiment moderne,
qui abritait une salle de loisirs, des chambres (à 2, 3 ou 4 lits), les
rangées de lavabos et les toilettes des internes. La partie de droite,
ancienne, comporte toujours la salle à manger au rez-de-chaussée,
mais des salles de classe dans les étages. L'actuel passage entre les
deux cours, antérieurement sur bâti, était constitué
de bâtiments d'époques diverses, qui ne méritaient pas d'autre
sort que la démolition. Quant au petit bâtiment à droite
du porche d'entrée (l'ancien parloir, sans doute), il se trouvait dans
un état si ruineux qu'il a fallu le reconstruire, puisqu'il était
protégé.
En raison de la présence de vieilles maisons à colombage dans
cette cour, tel journaliste a qualifié le Kohlenhof de "Elsässisch(er)
Hof" (Cour alsacienne) en 1959, à l'époque où subsistait
encore l'ancienne chapelle, qualifiée de vilaine... verrue ("unschöne
Warze") . Elle n'a pas gagné au change !
L'ancien Kuppelhof
La rue du Lévrier Blanc (Weisse Windt Gass), est devenue rue des Couples
parce qu'elle allait buter sur le Kuppelhof, ancêtre du bel hôtel
du XVIIIe siècle, qui continue d'ailleurs d'être appelé
Kuppelhof par les vieux Strasbourgeois. C'est à cet emplacement qu'était
"implanté le haras, municipal puis privé, dit Kuppelhof où,
jusqu'en 1681, se pratiquait l'accouplement des chevaux pour renouveler les
montures de la cavalerie urbaine" .
Seyboth est plus explicite encore : "L'impasse (!) des Couples doit son
nom au vaste immeuble auquel elle aboutit et qui porte, depuis la fin du XVIe
siècle, le nom de Kuppelhof. Un titre de 1574 l'appelle "der Musterhof
darin man pflegt Pferd zu mustern und zu verkaufen" et un autre de 1591
"der Kuppelhof". Dès 1548, le Magistrat avait renoncé
à l'élevage des chevaux qui entraînait peut-être trop
de frais pour la ville, pour laisser à l'initiative privée le
soin de pourvoir à la remonte de la cavalerie urbaine. C'est ainsi que,
tour à tour, Nicolas Hag, Josias Schoner, Jean-Daniel et Jean-Frédéric
Richshoffer furent propriétaires de ce haras où se pratiquaient
les saillies, les accouplements et que l'établissement prit le nom de
Kuppelhof".
La rue était jadis plus étroite encore que l'actuelle. Un fabricant
de poudre demeurait dans une maison qui donnait sur la partie droite de celle-ci
; elle explosa le 28 novembre 1581, causant la mort de onze personnes ainsi
que d'importants dégâts matériels . "Le magistrat en
prit occasion pour élargir la ruelle du lévrier blanc, afin de
donner plus d'air et de jour aux habitants et une avenue plus commode à
leurs immeubles". On procéda à un alignement du côté
droit de la rue, mais on ne démolit pas "une maisonnette faisant
partie du Kuppelhof" et qui faisait saillie au fond de la rue. Elle était
implantée à l'emplacement de la rue qui contourne aujourd'hui
l'hôtel.
La Weiße Windt Gaß avec le Kuppelhof qui la barre et en fait
une impasse (1585)
"En 1585, le Kuppelhof appartenait à la veuve de George Späder" ; celle-ci était également propriétaire d'une maison sur le côté gauche de la rue et qui faisait pendant à la maisonnette évoquée ci-dessus. Jonas Schoner était propriétaire du tout en 1597 et le notaire Stillkraut en 1623. Seyboth nous a fourni les noms des propriétaires ultérieurs, avant Hammerer.
L'hôtel particulier de Jean Hammerer
Jean Hammerer, échevin de la tribu du Miroir, acheta le Kuppelhof désaffecté
en 1756 et fit ériger à son emplacement, vers 1762, un hôtel
en fer à cheval, "encore dans le goût du rococo strasbourgeois"
.
L'élévation sur la rue des Couples n'est, en fait, que "la
façade postérieure du corps central, qui comporte huit travées
sur trois niveaux séparés par des bandeaux ; le décor sculpté
se concentre sur les clefs de cintre du premier étage et sur le portail
du passage d'entrée, décalé à droite pour des raisons
pratiques... La symétrie règne, en revanche, sur le bel ensemble
de façades côté cour avec... une focalisation de l'ornement
sur le corps de logis médian à sept travées d'où
se détachent encore, couronnées par un fronton triangulaire, les
trois travées de l'avant-corps central... A l'étage, la porte-fenêtre
médiane ouvre sur un balcon galbé en fer forgé, porté
par des consoles sculptées...
Les ailes latérales alternent deux à deux leurs six travées
avec une accentuation du décor dans l'élément médian
; chacune est accessible par un portail latéral... Là, chaque
escalier à balustres en bois conserve trois beaux départs sculptés".
Quant au décor intérieur, les derniers restes originaux (portes,
boiseries,...) ont disparu lors du récent chantier . Iconoclasme moderne
!
La
ferronnerie qui complète l'ornementation sculptée comprend la
grille du balcon central et un magnifique portail en fer forgé. Celui-ci
a certes été déplacé, mais réutilisé.
Il est prolongé, de part et d'autre, par une simple grille qui remplace
les anciens murs démolis ; de la sorte, le passant peut admirer ce bel
hôtel particulier dans sa totalité.
Il est heureux que les bâtiments modernes adjacents à l'aile droite
aient été démolis, faisant disparaître le "Canal
de Suez" dont nous reparlerons, mais cette percée laisse, hélas,
apparaître le triste mur de la salle de spectacles : une couche de crépi
arrangerait la situation.
" Pendant les premières guerres de la République, le Kuppelhof
renferma les bureaux de la Poste militaire" .
"Au moment où éclata la première révolution,
le Kuppelhof était propriété du Sr Hammerer, négociant,
prédécesseur du Sr Hecht", propriétaire en 1849, notait
Schneegans. Est-ce ce dernier qui a vendu la propriété à
la Société St Vincent de Paul ?
Le bâtiment neuf
Au fond de la petite impasse, à main gauche de l'entrée de l'hôtel Hammerer a été construit en 1959/60 un bâtiment en hauteur auquel il faudra bien donner un nom un jour pour l'identifier.
Les chapelles
Le lecteur sera étonné de nous voir utiliser le pluriel : c'est
qu'il y eut apparemment trois chapelles, dont deux érigées au
même emplacement.
L'ancien pensionnat de l'impasse de l'Ancre n'en disposait pas à l'origine,
semble-t-il. En effet, les internes de la Société St. Joseph se
rendaient "le dimanche à la messe au Münsterhof (chapelle des
Jésuites)" . Chaque premier vendredi du mois, les élèves
rehaussaient par leur chant "le salut du soir, célébré
en l'église Sainte-Madeleine" .
Mais une chapelle fut aménagée en 1904 à l'emplacement
de celle qui subsiste :"Enfin le carré est fermé par une
longue bâtisse basse, dans laquelle fut aménagée la chapelle
en 1904. Elle s'y trouve encore aujourd'hui (= 1956) à l'ombre de deux
hauts platanes, plantés par M. le chanoine X. Keller", écrivait
F. Reibel .
Cette initiative se comprend dans la mesure où depuis 1902, l'internat
St-Joseph disposait d'un Supérieur prêtre, qui résidait
sur place et pouvait assurer une messe quotidienne et d'autres offices. Mais
elle est avant tout la résultante de l'incendie de l'église Sainte
Madeleine en 1904, dans laquelle se faisaient jusque-là les offices.
Grâce à une carte postale, avec cachet postal de 1936, nous en
connaissons l'aspect intérieur, à moins qu'il ne s'agisse d'une
chapelle installée au rez-de-chaussée de l'hôtel Hammerer.
Hormis
l'autel (un réemploi ?), elle ne comportait rien de valable : les statues
semblent toutes en plâtre.
Une petite chapelle fut installée au Kuppelhof, pendant qu'on aménageait
l'ancienne . Elle semble avoir survécu, puisqu'en 1970, le chanoine Damistier
signale aux autorités que le Foyer est devenu "le P.C. de l'Aumônerie
du lycée Fustel avec deux chapelles" .
Au même emplacement que l'ancienne, a été érigée,
en 1959/60, à l'instigation du même chanoine Damistier, une chapelle
en béton, qui constitue une véritable verrue dans cet ensemble
architectural. Les cartons des vitraux ont, semble-t-il, été fournis
par "Maître" Marcel Schwartz, longtemps professeur de dessin
à Saint-Etienne . C'est également lui qui aurait réalisé
la croix en béton qui surmonte l'entrée.
Après le décès du chanoine Damistier, il n'y avait plus
d'ecclésiastique sur place et elle ne devait plus servir grandement.
Elle a finalement été mise à la disposition d'une communauté
catholique de rite ukrainien. Mais, après la fermeture du foyer, elle
a été victime d'un acte de vandalisme, à la suite duquel
une belle Vierge en bois a dû être mise en sécurité
.
L'INTERNAT-FOYER SAINT-JOSEPH ET LES DIVERSES PARTIES PRENANTES
L'histoire de l'institution est complexe du fait de la multiplicité des parties prenantes successives ou simultanées ; nous essayerons de faire le point à ce propos.
La Société de Saint Vincent de Paul
Elle a été fondée à Strasbourg, à l'image
de celle de Paris, en 1840, par l'abbé Jacques Mertian pour répondre
à des besoins sociaux nouveaux. Avec le concours des Surs de la
Charité de Strasbourg, elle ouvrit une première "soupe populaire"
en avril 1855, sous le patronage de Notre Dame, puis une seconde, appelée
St-Joseph, en novembre de la même année dans le Fossé des
Tanneurs, une troisième dans la Krutenau, sous le patronage de Sainte-Odile,
en 1856.
La seconde seule nous intéresse ici. Bien vite, deux autres uvres
allaient se greffer, sans doute dès 1856, sur cette cuisine populaire
St-Joseph : une crèche et un internat pour apprentis et élèves
pauvres du Petit Séminaire de Saint-Louis, qui s'appellera "Pensionnat
Saint-Joseph". Finalement cet internat fut réservé à
ces derniers. Les apprentis furent dirigés sur l'"Oeuvre Saint-Joseph",
implantée rue des Juifs.
Le 2.07.1864, la Société de Saint Vincent de Paul acheta une série
de maisons autour du Kohlenhof, au fond de l'impasse de l'Ancre ; l'acquisition,
le transfert et les transformations opérées coûtèrent
dans les 90.000 francs. La cuisine populaire pour les pauvres fut également
transférée et fonctionna jusqu'en 1939 au rez-de-chaussée
du bâtiment de 1577.
Le "Pensionnat Saint-Joseph"
Alors que jadis il n'arrivait à abriter que 30 pensionnaires, il pouvait
en accueillir une bonne cinquantaine dans les nouveaux locaux de l'impasse de
l'Ancre. En 1861, le Petit Séminaire était transféré
dans les bâtiments tout neufs de Saint-Étienne, qui avait son propre
internat. Il semble que les séminaristes pauvres soient allés
à Saint-Joseph, alors que la clientèle "bourgeoise"
restait à Saint-Étienne, qui, à terme, disposait de 360
places pour les internes. Le Pensionnat était placé sous la direction
des Surs de la Charité.
Il servit d'hôpital militaire pendant le siège de 1870, mais rouvrit
ses portes aux petits séminaristes jusqu'au jour fatidique du 24 juin
1874 où le Collège Saint-Étienne fut fermé d'autorité
par les Allemands dans le cadre du Kulturkampf .
Le recrutement sacerdotal était menacé et il ne fut même
pas permis à Mgr Raess d'ouvrir un internat dont les pensionnaires auraient
fréquenté le lycée d'État. Il fut permis à
Mgr Stumpf de rouvrir la maison en 1886, mais sans second cycle : elle était
ravalée au rang de collège (Bischöfliches Gymnasium zu S.
Stephan), ce qui lui vaut le qualificatif impropre qu'elle porte toujours.
Le pensionnat de Saint-Joseph rouvrit évidemment ses portes aux élèves
de Saint-Etienne lors de sa réouverture. L'effectif ira croissant : 46
en 1886/87, 67 en 1893/94 et culminera à 103 en 1900.
L'internat fonctionnait au départ sous la direction des Soeurs de la
Charité d'une façon qui paraîtrait "folklorique"
aujourd'hui, si l'on se fie aux pages humoristiques du fameux curé Oberlechner,
ancien pensionnaire des lieux ; les grands surveillaient les études et
les dortoirs des petits. Il se trouve que le fait est confirmé par l'historien
de la maison .
En 1902, Mgr Fritzen trouva le nombre de pensionnaires trop élevé
et regretta surtout que les grands ne fussent pas séparés des
petits. Il voulut transférer les grands à l'internat de Saint-Étienne,
ce qui suscita une vive polémique dans la presse. Il contourna la difficulté
en nommant un prêtre à la tête de l'établissement,
avec le titre de Supérieur. Les titulaires ne furent pas nombreux :
- l'abbé Désiré Ohlmann (1902-1904), professeur à
Saint-Étienne, qui ne s'entendait manifestement pas avec la sur
Angeline qui avait jusque-là dirigé la maison, et qui fut mutée.
- l'abbé Jérémie Keller (1904-1920+), tout jeune professeur,
qui eut à batailler pour redresser l'effectif qui avait passé
de 102 (1902/03) à 74 (1903/04), enfin à 59, l'année suivante.
Il remonta à 92 en 1918. Il venait d'être nommé Supérieur
de Zillisheim, lorsqu'il mourut le jour de la St-Joseph 1920, à l'âge
de 46 ans.
- l'abbé Lucien Jenn (1920-1925), qui favorisa le sport et le théâtre
français.
- l'abbé François-Xavier Keller (1925-1939 ; 1945-1946), frère
de Jérémie. Il devint Supérieur du nouveau Petit Séminaire
de Walbourg, qui eut aussi pour patron St Joseph. Ses petits séminaristes
l'y accompagnèrent. Mgr Weber avait créé Walbourg dans
cette optique .
L'internat n'avait pas eu le droit de rouvrir pendant la guerre ; la maison
avait recueilli le Bon Pasteur, dont le couvent avait été occupé
par les Allemands.
L'"uvre des Jeunes Apprentis et Ouvriers" et le "Foyer des apprentis St. Joseph"
Les abbés Jacques Mertian et Théodore Ratisbonne, qui faisaient
partie des "Messieurs de Saint-Louis", regroupés autour de
l'abbé Bautain, avaient commencé par donner des cours du soir,
à l'école de la rue de la Toussaint, à de jeunes apprentis
et ouvriers, pour les tirer des dangers de l'oisiveté et les perfectionner
dans leur savoir. Lors de leur départ de Strasbourg, Mertian confia l'uvre
à la "Société de St Vincent de Paul", qui créa
en son sein, en 1841, la "Société de St-Joseph", qui
devait uvrer dans le même but.
Dès 1864, l'"uvre des Jeunes Apprentis", dont nous avons
déjà parlé plus haut, était revenue cohabiter avec
le Pensionnat et occupa seule la maison pendant quelques années, après
la fermeture de Saint-Etienne.
Cet internat fut bientôt surnommé le Klepperes (Klepp, en abrégé),
à cause du bruit des sabots des pauvres internes qui se rendaient le
dimanche à la messe à la chapelle des Jésuites au Münsterhof
. Le surnom finit par s'étendre à toute la maison et avait cours
jusqu'à sa fermeture, et même au-delà pour les anciens.
Après le retour des internes de Saint-Étienne, on manquait sans
doute quelque peu de place. C'est probablement, outre l'opportunité,
la raison pour laquelle la Société de Saint Vincent de Paul acquit
en novembre 1891, l'hôtel Hammerer (ou Kuppelhof) ainsi qu'une autre maison,
le 6 de l'impasse de l'Ancre, qui fut abattue et remplacée par la salle
de théâtre et le petit immeuble en briques, ensemble qui est redevenu
propriété de la "Société Saint-Joseph"
en 1998.
En 1894, l'abbé Xavier Metz fonda un Foyer au Kuppelhof, sans doute l'ancêtre
du "Foyer Saint-Joseph".
Le 3 décembre 1935 fut créée l'association du "Foyer
des apprentis St. Joseph" qui coexista avec la "Société
Saint-Joseph" repliée dans son immeuble de l'impasse de l'Ancre
et sa salle de spectacles.
L'évacuation en 1939 et l'occupation par les Allemands interrompirent
évidemment toute activité.
La "Société Saint-Joseph", la "Société Immobilière Saint-Joseph", le "Cercle Saint-Joseph" et la "Jeunesse Chrétienne Saint-Joseph"
La "Société St-Joseph" d'origine, avec son foyer de
jeunes apprentis et ouvriers, a dû finir par se dissocier, sans doute
lors de l'acquisition du "Kuppelhof". Une nouvelle entité,
appelée plus tard "Jeunesse Chrétienne Saint-Joseph"
("fondée en 1841" !), réputée par ses sections
de gymnastique, dont l'organisme de tutelle était la "Société
Immobilière Saint-Joseph", s'est implantée au 6, impasse
de l'Ancre.
La Société fut dotée d'aumôniers , dont le premier
fut le plus célèbre, l'abbé Félix Korum, futur évêque
de Trèves.
Pour élargir son champ d'action, elle avait créé, à
côté du patronage, le "Cercle des Jeunes Ouvriers et Employés
de Commerce" et acquis un jardin, rue Saint-Urbain, qui allait servir de
terrain de sport et devenir le "stade Saint-Joseph".
Après 1945, elle a progressivement restauré la salle de spectacles
endommagée par les bombardements de 1944 et a pu reprendre les représentations
théâtrales, "seules ressources permettant à la société
de vivre". Elle servit également aux activités des 250 "Curs
Vaillants" de la paroisse Sainte-Madeleine, ...
La coexistence avec le "Foyer Saint-Joseph" connut des hauts et des
bas. Les internes du Foyer étaient autorisés à passer par
cette salle de spectacles pour se rendre au réfectoire, avec les problèmes
que l'on imagine aisément ; "nous avons continuellement vécu
sous la menace d'interdiction de passage à travers la salle, nous querellant
au sujet de portes ouvertes, de carreaux cassés, ...", écrivait
l'abbé Damistier .
Le problème s'envenima lorsqu'en 1953 le Foyer Saint-Joseph essaya d'implanter,
plus ou moins de force, son réfectoire dans la salle de spectacles, "grande
salle qui ne sert que très rarement" . Mais il dut battre en retraite.
Sans doute ce différend est-il à l'origine du "percement"
du fameux "Canal de Suez", ce tunnel sombre à chicane reliant
les deux complexes de bâtiments, percement qui devait mettre fin aux querelles
en question. Il a disparu lors du dernier chantier, en même temps que
d'autres constructions adventices, comme le petit réfectoire des hôtes
et les anciennes cuisines, agrandissant de la sorte la cour de récréation.
La salle de spectacles, objet du litige, réunissait pourtant les amis
du Foyer Saint-Joseph lors de sa kermesse annuelle.
Le "Foyer Saint-Joseph" ("Association du Foyer Saint-Joseph-Saint Vincent de Paul").
L'abbé Vital Bourgeois fut chargé, après la Libération,
d'engager les pourparlers avec la Société de St. Vincent de Paul
pour la réouverture de la maison. Il signa une convention avec elle et
put rouvrir le "Foyer Saint-Joseph", qui sera géré à
terme par l'"Association du Foyer Saint-Joseph - Saint Vincent de Paul".
Il ouvrit ses portes non seulement à de jeunes apprentis, mais également
à des élèves fréquentant divers types d'établissements
scolaires collèges, lycées, écoles techniques, centres
d'apprentissage. Il occupera également les bâtiments du Kohlenhof
après le départ des séminaristes à Walbourg, en
1946.
La maison eut pour directeurs successifs :
- l'abbé Vital Bourgeois (1945-1951), qui se faisait assister par l'abbé
Rémi Damistier, aumônier au Lycée Fustel de Coulanges.
- l'abbé Rémi Damistier (1951-1986+), appelé Dada, aumônier
de Lycée et dernier directeur ecclésiastique,
- M. Bernard Lairé,
- M. Bernard Robin.
La maison était aussi devenue le "P.C. de l'Aumôneiie du Lycée
Fustel de Coulanges, et abritait les locaux des scouts, de la J.E.C., l'appartement
d'un aumônier" . Les abbés Gardette, Cocaud, Rïbolzi,
Rèbre, ... étaient les commensaux de la maison.
En 1970, le Foyer était équipé pour recevoir 230 internes,
dont une trentaine de places réservées pour les apprentis. Les
collégiens et lycéens étaient hébergés soit
dans des dortoirs (60 lits), soit dans des chambres (140 lits).
Lorsque le Collège Saint-Etïenne ferma son internat, les derniers
internes trouvèrent abri au Foyer Saint-Joseph, qui devint officiellement
l'internat de Saint-Etienne et son directeur assistait régulièrement
aux réunions de direction et au Conseil d'Etablissement de Saint-Etienne.
Mais le nombre d'internes s'amenuisa progressivementjusqu'au jour où
il n'y en eut plus du tout.
La construction de collèges et de lycées un peu partout en Alsace
eut une répercussion négative sur les internats, notamment sur
ceux qui étaient implantés en ville. Après Saint-Etienne,
SaintJoseph fut touché par la chute des effectifs. Sa clientèle
se fit plus cosmopolite.
Dans les dernières années de fonctionnement, les façades
et les toitures de l'hôtel Hammerer, Monument Historique, avaient été
restaurées dans les règles de l'art, mais les locaux ne répondaient
plus aux normes de sécurité et auraient eu besoin d'importantes
modifications, alors que les finances allaient progressivement à la dérive,
à la suite de l'effritement de l'effectif. L'Assemblée Générale
Extraordinaire de l'Association du 19juin 1997 décida la fermeture provisoire
du Foyer ; en fait, elle sera définitive.
Au cours de la même séance fut élu un Bureau, présidé
par M. Robert Fritsch. Celui-ci portera tous les soucis de la maison vide, occupée
par des squatters et exposée à tous les dangers. Au cours d'une
nouvelle Assemblée Générale Extraordinaire, tenue le 5
octobre 1997, est décidée la dissolution de l'Association ainsi
que son absorption et transfert de son patrimoine au profit de la "Fédération
de Charité du Diocèse de Strasbourg", qui devra combler le
passif.
Acquisition par le Collège Saint-Etienne
Etant donné l'exiguïté des cours de Saint-Joseph, il ne
semblait pas, a priori, que le site pût intéresser Saint-Etienne,
qui cherchait depuis longtemps à délocaliser les classes primaires.
Cela finit pourtant par se faire.
Saint-Etienne vivait depuis longtemps à l'étroit dans ses murs,
avec ses 1800 élèves. En 1991, le Collège avait acheté
l'ancienne Ecole des Missions des PP capucins à Koenigshoffen, dans laquelle
fonctionnait de longue date l'Ecole "Joie de Vivre", annexée
d'autorité à Saint-Etienne, pour en assurer la survie, mais aussi
dans l'idée d'y transférer, à terme, toutes les classes
primaires. Les classes franco-allemandes y furent implantées dans un
premier temps ; le reste du Primaire aurait dû suivre. Mais la chose ne
semblait pas vouloir se réaliser ; tout le monde traînait des pieds.
Pour les parents, il n'était pas évident de déposer leur
fils à Saint-Etienne et leur fille à Koenigshoffen quelques minutes
plus tard. Les institutrices ne manifestaient pas un enthousiasme délirant
pour cette délocalisation. Ce n'était pas la bonne solution !
Il fallait trouver un site plus proche de Saint-Etïenne : ce serait Saint-Joseph.
Des embûches diverses risquaient de faire capoter le nouveau projet ;
le mot "magouilles" a été officiellement utilisé
pour les qualifier, àjuste titre d'ailleurs. Le signataire de ces lignes
n'est pas peu fier d'avoir pu se faire entendre par Mgr Doré, le 17 juin
1998, à l'issue d'une réunion de la Fédération de
Charité à Epfig. La situation se débloqua à la suite
de cet entretien.
Le 23.12.1998, l'acte de vente pouvait être signé. Les classes
franco-allemandes s'implanteront à Saint-Joseph dès la rentrée
suivante. Saint-Etienne s'endetta pour mettre les locaux en conformité
et les approprier à leur nouvelle destination. Il reste encore à
aménager le bâtiment de 1577. Le 12 octobre 2002, l'"Annexe
Saint-Joseph" fut solennellement inaugurée, sous la présidence
de Mgr Doré et en présence des autorités civiles.
A Saint-Etienne, les classes secondaires purent à nouveau s'installer
un peu plus au large, c.q.f.d.