Une interview de Monseigneur KRATZ

Anthony BISCH (promotion 1998) ayant pris goût au jeu des interviews, il n'a pu résister à l'envie d'interroger un autre de nos personnages publics issus de nos bancs (d'école…) : Monseigneur Kratz, qui profite de cette tribune pour répondre en Echo à l'article de l'année dernière écrit par Monsieur Schlaefli à son sujet. Un grand merci à lui.


L'entretien avec Mgr Kratz s'est déroulé en décembre 2001. En tant qu'ancien élève du collège Saint Etienne, il nous a fait part de ses souvenirs, mais aussi de ses réflexions sur les problèmes d'actualité.

Quels sont les souvenirs que vous avez conservés de votre scolarité au collège Saint-Étienne ?
Ce sont des souvenirs que l'on a tendance à idéaliser avec le temps. Je me rappelle en 9e, de ma première maîtresse Madame Perrin. Je me souviens également de l'habitude que nous avions de prier tous les matins. Il se passait quelque chose de profond au niveau de la foi à ce moment-là.
J'ai eu également l'occasion de partir avec l'abbé Epp plusieurs fois en voyage d'été de la classe de 4e à la terminale et ainsi de visiter l'Europe. Comment oublier Monsieur Schlaeffli ? À l'époque, il nous inspirait une sainte crainte. Il y avait également Monsieur Comparot, aujourd'hui retraité, qui savait nous insuffler sa passion de la littérature. J'ai eu également l'abbé Welter comme professeur de philosophie.

Quel rôle un collège épiscopal peut-il jouer dans un pays où l'enseignement public est prédominant ?
L'existence d'un collège épiscopal manifeste une certaine spécificité. Il ne s'agit pas d'une école publique avec un vernis évangélique. Un collège épiscopal doit rester fidèle à sa mission, c'est à dire permettre à chaque élève de donner le meilleur de soi-même au nom de sa foi. Les activités proposées doivent aider l'élève à acquérir un état d'esprit qui est celui de l'espérance chrétienne.

Qu'est ce qui vous a amené à vous tourner vers Dieu ?
Grâce à ma famille, j'ai eu la chance d'avoir compris très tôt que Dieu est un vivant avec lequel nous avons une relation d'amour. J'avais l'habitude de prier sur les genoux de ma mère. Après j'ai eu la chance de rencontrer un vicaire de la paroisse de Schiltigheim qui animait différentes manifestations et sorties.
À l'âge de 17-18 ans, je me suis demandé pourquoi j'étais chrétien ? Je refusais la mort de toutes mes forces et l'Evangile donne une perspective : le Christ l'ayant vaincue, il a ouvert une porte en venant parmi nous et en assumant notre vie. Le Christianisme est une réponse importante pour la vie et la mort. C'est une réponse qui est difficile et exigeante. La mort n'est qu'un passage vers une nouvelle naissance.

Aujourd'hui, vous êtes évêque auxiliaire de Strasbourg. En quoi consistent ces fonctions ?
Il s'agit de la mission de tout évêque, que je résume en trois verbes : encourager, faire l'unité, susciter les initiatives. J'accomplis de nombreuses visites pastorales. J'interviens également lors des grandes célébrations ainsi qu'au niveau de l'aumônerie dans le cadre de l'enseignement public et de l'école catholique.

Aujourd'hui que pensez-vous des relations entre l'Eglise et les jeunes ?
Je suis optimiste. Il y a de nombreuses fleurs qui poussent. Les jeunes doivent être pris dans leur diversité. Certains veulent réussir leur vie et y trouver un sens. Pour cela ils ont choisi d'être chrétiens. Les évêques de France l'ont dit, il s'agit de proposer la foi d'une manière dynamique, attirante et sans démagogie. Je vais vous donner un exemple de l'intérêt des jeunes pour la foi. Lors du pèlerinage de Lourdes des 13 - 16ans, il y en avait quarante-cinq au début, aujourd'hui ils sont 145. Leur nombre a été en progression constante. Ce phénomène est encourageant mais suivre le Christ n'est pas facile. L'Evangile nous oblige à suivre un chemin exigeant. Dès lors, il faut être vrai et cohérent avec soi-même. Nous ne pouvons pas tout dire sous prétexte de plaire.

Aujourd'hui, la tragique actualité des attentats du 11 septembre a conduit à se demander s'il y avait, entre Christianisme et Islam, l'existence d'un affrontement ou un simple problème de compréhension ? Comment réagir dans une ville comme Strasbourg qui compte de nombreuses personnes issues de l'immigration et souvent en manque de repères ?
Ces populations immigrées sont souvent marginalisées et confrontées au problème du chômage. Il existe un ressentiment contre un Occident riche alors que d'autres pays cantonnés dans la pauvreté laissent émerger certaines réactions vives. Un engrenage se met en place, qui n'est pas juste dû au problème de religion.
Il est important de développer un lien social et de permettre à ces gens d'accéder à un vrai statut. Le reste suivra. Il est important de promouvoir le dialogue, car beaucoup de comportements sont basés sur l'ignorance et la peur. Il faut apprendre à connaître et à respecter l'autre.

L'une des actions principales du pape Jean-Paul II a été sa volonté de rapprochement avec les autres branches du christianisme et principalement les Orthodoxes.
L'unité sera difficile, il y a trop de divisions. Les difficultés avec les Orthodoxes résident dans une certaine incompréhension de part et d'autre. Il y a aussi les problèmes issus du communisme et il s'agit également de faire la part des choses avec le nationalisme. Mais la nécessité d'un dialogue entre les deux est fondamentale et ne peut être que mutuellement enrichissante.

Certaines positions de l'Eglise sont souvent mal acceptées par les jeunes. C'est le cas des questions liées par exemple à l'ordination des femmes ou celles relatives à la sexualité.
Concernant l'ordination des femmes, la théologie ne fait pas de la femme l'inférieur de l'homme. Le Christianisme proclame l'égalité des deux depuis longtemps. Néanmoins l'impossibilité d'ordonner des femmes prêtres réside dans une certaine conception du ministère. Il s'agit de représenter le Christ dans les sacrements, or le christ était un homme. De la même manière, le Christ n'en a pas fait des apôtres. Néanmoins la femme a de nombreuses missions et un rôle important à jouer dans la vie de la communauté chrétienne.
S'agissant de l'avortement, l'Eglise considère que c'est un crime, car l'embryon est une vie qui doit être respectée. Au même titre le clonage ne conduirait qu'à l'instrumentalisation de l'homme. L'homme a été créé à l'image de Dieu, il est le temple de Dieu et ne peut donc pas être chosifié.

Nous pouvons assister ces dernières années à une importante baisse du nombre de vocations de prêtres alors que la moyenne d'âge de ces derniers ne cesse d'augmenter.
Il est vrai que le manque de prêtres est un problème. Il appartient à la communauté chrétienne de se mobiliser. Le prêtre a besoin de trouver des relais. L'Eglise n'est pas "un service public de la transcendance", il faut que le chrétien soit un chrétien engagé. L'une des réponses possibles pour aider les prêtres à administrer leur paroisse et l'appel des permanents laïcs. Il faut que chacun se prenne en charge et devienne un acteur de la vie de son Eglise et de sa communauté.