Un enjeu de santé public majeur
Charles Steiner
Comme de coutume, Charles STEINER , ancien élève (promotion 1939), ophtalmologue à la retraite, n'a pas oublié d'avoir la gentillesse de nous adresser un article pour notre revue. Il aborde cette année un sujet déclaré grande cause nationale l'an dernier, mais qui reste (malheureusement) toujours d'actualité.
En cette année 2000, la Sécurité Routière a été décrétée : " grande cause nationale " par le Premier Ministre. Objectif : faire prendre conscience à tous de l'absolue nécessité de se mobiliser contre les accidents de la route. Car avec plus de 8000 morts et 170000 blessés par an, la France figure parmi les plus mauvais élèves de l'Union Européenne. Jusqu'ici peu sollicités sur cet enjeu de santé majeur pour notre pays, les médecins ont un rôle légitime à jouer dans la prévention.
Hécatombe routière, violence routière, bilan catastrophique, etc
Quels que soient les termes employés pour désigner la situation de notre pays, la référence est la même : les accidents de la route tuent et blessent beaucoup trop. Des chiffres effrayants, lorsque l'on sait ce que chacun d'entre eux recouvre de drame familial, de vies brisées, de souffrances. Des chiffres honteux, si on les compare à ceux de nos voisins. Car la France affiche l'un des plus mauvais scores de l'Europe de l'Ouest avec 144 tués par million d'habitants, la moyenne étant de 115., et des pays comme la Grande-Bretagne ou la Suède en comptent deux fois et demi de moins que chez nous ! Les derniers chiffres publiés concernant l'année 2000 font état de 7600 tués en France contre 7500 en Allemagne (soit 5% de baisse dans chaque pays). A noter que le nombre total de tués depuis l'existence de l'automobile et lié à celle-ci est estimé à 33 millions de personnes, rien que ça ! Malheureusement tout porte à croire que l'engagement pris en 1998 par Jean-Claude Gayssot, Ministre des Transports, de diviser par deux le nombre de tués sur les routes, c'est-à-dire 4000 morts en 2002, ne sera pas tenu. Pour atteindre ce seuil, il faudrait un vrai sursaut de notre pays, une prise de conscience générale face au risque routier, phénomène sous-estimé par le plus grand nombre. C'est bien l'objectif de la " Grande Cause Nationale " de l'an 2000 consacrée à la Sécurité Routière.
Mais en quoi cela concerne les médecins ?
Le rôle du médecin n'est-il pas avant tout de tenter de réparer les dégâts après l'accident ? Conseiller technique auprès de Madame Maxime, déléguée inter-ministérielle à la Sécurité Routière, le Dr Pierre Chevalier est convaincu du contraire. Pour lui les médecins ont un rôle éminent à jouer sur le plan de la prévention, dans le cadre de leur pratique professionnelle. Bien décidé à convaincre, il explique que deux axes prioritaires ont été identifiés sur lesquels les médecins sont parfaitement légitimés, au regard de leurs patients à intervenir, conseiller, prévenir : la vigilance et l'aptitude des conducteurs. Deux thèmes qui pèsent lourd dans la Sécurité Routière.
Les médecins doivent s'impliquer dans la prévention des accidents de la route. Aborder les sujets qui concernent la conduite devrait faire parti de ses réflexes. Il est vrai que l'intervention des médecins dans les problèmes de Sécurité Routière se limite essentiellement à deux secteurs. D'une part la prise en charge des victimes : réanimation, soins hospitaliers, traumatologie, etc D'autre part par le travail dans les commissions départementales de délivrance du permis de conduire.
Un médecin de famille veille sur la santé de ses patients. Il faut donc prendre soin de leurs capacités de se déplacer notamment au moment des grandes migrations saisonnières. Par exemple, de la prise de certains médicaments (calmants, somnifères, ), de la ceinture de sécurité, des dispositions pour les enfants, de l'utilisation du téléphone portable. Il doit également déconseiller de conduire aux personnes qui ont des problèmes de santé, surtout les vieilles personnes. Il peut les inciter à passer un examen pour s'assurer de leur aptitude à conduire. Faudrait-il instaurer des contrôles médicaux à partir d'un certain âge, ce qui existe dans certains pays ? Pourquoi n'y aurait-il pas des consultations spécialisées en matière d'aptitude à la conduite ?
Le conseil médical de la Prévention Routière, né en 1992, est composé de douze membres. Son approche est à l'heure actuelle délibérément préventive. Ses sujets de réflexion touchent notamment aux problèmes de la vision, du vieillissement, des troubles du sommeil et plus généralement à tout ce qui concerne la vigilance, la sécurité des piétons, etc Le conseil médical estime la nécessité d'introduire un enseignement à la prévention des accidents de la route aux Facultés de Médecine. Il faudrait aussi que dans chaque comité départemental de la Prévention Routière il y ait un médecin susceptible de faire entendre la voix de la santé, de donner son avis et d'apporter des réponses aux questions posées.
Pour toute information complémentaire, vous pouvez contacter " La
Prévention Routière ", 6, Avenue Hoche, 75008 PARIS (tél.
: 0144152700)