Monseigneur Christian Kratz
un ancien du Collège

Louis SCHLAEFLI


Nous ne pouvions pas passer sous silence le fait que l'un de nos anciens élèves a été nommé évêque l'année dernière. C'est avec beaucoup de spontanéité et de gentillesse que Monsieur Louis Schlaefli a accepté de nous rappeler son parcours dans cet article.

Ceux qui ont usé leurs fonds de culottes au Collège entre 1961 et 1971 ont pu fréquenter, en classe ou dans l'une des cours, celui qui est récemment devenu Mgr Kratz, le jeune évêque auxiliaire du diocèse, le seul évêque que certains de nos lecteurs - et l'auteur de ces lignes - ont le privilège de tutoyer.

Il aura connu le Collège à l'époque héroïque des Marianistes, puisqu'il a eu comme Supérieurs les Pères Albert Lips, Bernard Vial (le seul survivant ) et Emile Weltz.

Né le 28.01.1953, domicilié à Schiltigheim, il est entré au Collège le 15.09.1961 comme externe. Il a fait sa 9ème chez Mme Perrin, se contentant du premier accessit au bout de l'année ; il remporta toutefois le premier prix en orthographe, lecture, et histoire, le second prix et des accessits en toutes les autres matières, sauf en géographie. De cette classe, seul Pierre Geissler se retrouvera avec lui en Terminale A.

Mme Georgette Wolff sera son institutrice en 8ème Rose, où il ravit le second prix d'excellence, avant de conquérir le premier prix d'excellence en 7ème Rose, chez Mlle Leleu.

En 6ème Verte, il eut comme professeur principal M. Fabre et glana des nominations (notamment le second prix de religion) dans toutes les matières, sauf en ... dessin. Chez M. Storck, en 5ème Bleue, il eut à nouveau le second prix d'excellence, des nominations partout, sauf en mathématiques et en dessin (prix ravi par Olivier Daunay). La classe comportait 40 élèves. Remarque d'année dans le livret scolaire : "Elève doué et travailleur : bons résultats d'ensemble".

En 4ème Rose, il eut pour professeur principal.., l'auteur de ces lignes, qui apposa, de son écriture la plus lisible (! ), la mention suivante: "Excellent élève. A donné entière satisfaction". Il est vrai que le futur évêque avait remporté le second prix d'excellence, le second prix d'histoire et de latin (obligé, me direz-vous, si l'on veut pouvoir ultérieurement décrypter la bulle de nomination que Rome s'obstine à rédiger en latin) et le 1er accessit de français (Toujours rien en mathématique et en dessin ; premier prix de géographie et de chant). Denis Schuhler saurait vous parler de la cuvée en question, qui avait comme brillant premier de classe Jean-Louis Pirat.

La 3ème Bleue avait pour titulaire quasi inamovible (avant Mme Gillet, bien sûr) le P. Andlauer, qui avait à initier au latin et au français 40 lascars seulement (il y en avait 42 en 3ème Verte). Des mentions un peu partout, sauf en mathématique et en anglais. Remarque globale d'année : "Bon élève, surtout pour les matières littéraires (ceci à cause d'accrocs (au pluriel : 2 sur 3) en mathématique) ! A donné entière satisfaction". Nous relèverons tout particulièrement les progrès faits en dessin (2ème accessit), certainement imputables aux efforts didactiques déployés par Maître Schwartz, sans doute encore dans l'ancien dortoir au troisième étage, dans une ambiance qui prédisposait manifestement à la créativité artistique. Seuls le Surveillant Général de l'époque et le P. Bieth, qui logeait tout à côté et qui, selon ses dires, aurait été parfois dérangé par des bruits divers (??), rompaient le charme en essayant de vouloir tenter - en vain d'ailleurs - de faire régner un peu de discipline à cet étage.

A l'époque, les élèves de Troisième étaient soumis à un examen psychologique collectif organisé par l'A.P.E.L., dont les conclusions ne manquent pas d'étonner, si l'on considère le cas précis de l'élève Kratz : d'après le test, l'élève semble posséder principalement des aptitudes scientifiques et la psychologue de service termine ses conclusions par la mention : "Redoublement ?". Le conseil de classe le fit néanmoins monter en Seconde, dans la mesure où, sur 24 notes, il n'y en avait que trois en-dessous de la moyenne (un 8 en E.P.S. au premier trimestre, rendez-vous compte ! L'élève a ensuite fait des progrès, puisqu'il a eu son 10/20 aux deux trimestres suivants). Rien à voir avec la clémence dont la France fit preuve à la même époque envers les candidats au baccalauréat en juillet 1968.

Lui seul pourrait nous dire l'incidence de mai 68, qui n'a certainement pas dérangé grandement les cours du P. Andlauer. Alors que la France entière était paralysée, il n'y eut qu'un jour de grève à Saint-Etienne, au grand déplaisir de bien des élèves. Encore convient-il de préciser qu'un bon nombre était présent toutefois ce jour-là.

L'auteur de ces lignes en profite pour attester devant l'Histoire que tous les "exploits" relatés par les "soixante-huitards" de Saint-Etienne ne sont que pure fantaisie et relèvent de la forfanterie, à l'exception notable d'Alain Ménargues, élève de Terminale, parti à l'assaut des universités. Il sera ultérieurement témoin d'autres assauts plus sanglants, en tant que correspondant de presse (et de guerre) à Beyrouth

L'année suivante, Kratz se trouvait en Seconde A (1, 2, 3), placée sous la direction de l'abbé Raymond Winling. Sans doute pour donner partiellement raison à la psychologue susmentionnée, Kratz s'avisa de rafler, entre autres, le premier prix de mathématiques. En fait, il eut le premier prix d'excellence, le premier prix en français, en anglais, en mathématiques et en histoire/géographie, le second prix en religion et en latin, le premier accessit en allemand et en physique et rien en ... E.P.S. L'abbé Winling a (toutefois) conclu: "A fait une excellente année".

C'est M. Comparot, le colonel Comparot, qui enseignait les matières littéraires en Première A, M. Kuhry les mathématiques (5ème accessit pour Kratz), M. Kluss les sciences naturelles (S.V.T., pour les élèves actuels), Mme Geynet l'anglais. "A donné satisfaction", marque M. Pack en E.P.S. Détrôné par Martial Feurer, Kratz doit se contenter du second prix d'excellence et des premiers prix de latin, d'anglais et d'allemand. Passons sur les autres mentions

Même la liste des auteurs présentés au baccalauréat de français est conservée, qui atteste que notre ami Kratz a planché en cours d'année sur Polyeucte, Dom Juan, Andromaque, le Père Goriot, Lorenzaccio, qu'il a étudié (au moins sous forme d'extraits) Montaigne, Pascal (L'esprit de géométrie et l'esprit de finesse), Boileau, Voltaire (Le bonheur sur la terre), Chateaubriand, Vigny, Hugo, Musset...

En Terminale A, le Père Welter (actuellement retiré à Saint-Hippolyte) eut à régenter 37 élèves, ce qui n'était pas négligeable lorsqu'il s'agissait de corriger les dissertations de philosophie, mon ami. En fin d'année, le qualificatif "excellent" revient dans les remarques faites par le professeur d'histoire (M. Esch), d'allemand (le P. Bour), d'anglais (Miss Wood) et - tenez-vous bien ! - en E.P.S. ; il convient toutefois de mettre un bémol en précisant que M. Helfer parlait d'une excellente participation, mais non point des qualités intrinsèquement sportives de l'élève. Si notre ami Kratz n'est que second en excellence, il battra néanmoins le premier, Feurer, au poteau en allant conquérir une mention Bien au baccalauréat, tout comme Bertrand Hell d'ailleurs. La remarque globale "Très bon élève" vient couronner un cursus scolaire, dont notre ami Kratz n'a certes pas à avoir honte ! Il fera partie des 6 élèves qui partiront au baccalauréat avec la mention "Très favorable" (19 "favorable", 12 "doit faire ses preuves").

La liste des auteurs de philosophie ne comporte, somme toute, que quelques chapitres d'un cours dont les polycopiés ont rempli plusieurs cahiers au fil de l'année. En latin (2ème prix), la liste, établie par le même P. Welter, comporte des extraits d'Horace, de Cicéron (De senectute), des Annales de Tacite (Néron et les chrétiens) et de Sénèque (Le Sage ne redoute ni la vieillesse, ni la mort. Le Sage et les jours de fête. De la constance du Sage).

Disposait-on à Rome de ces dernières données ? Si oui, il ne nous étonne pas qu'on ait pensé à lui pour en faire un évêque, dont la sagesse doit sans doute être la première qualité.

Nous avons évoqué jusqu'ici l'élève au vu de ses résultats scolaires. Si vous interrogiez le Surveillant Général de l'époque, il vous répondrait sûrement que Kratz ne figurait pas parmi ses clients attitrés. Les professeurs gardent le souvenir d'un garçon jovial et pondéré, au visage marqué par ce sourire qu'il arbore toujours pour vous aborder. Est-ce de la reconstitution a posteriori ou est-il vrai que déjà l'époque son propos, déjà grave, était marqué au coin du bon sens? Pour tout dire, il était un élève tellement sérieux qu'il a même fait du latin en Terminale ! Il est vrai qu'il se destinait déjà au Séminaire.

Ses condisciples pourraient évoquer le camarade qu'il était pour eux. Peut-être n'ont-ils pas gardé le Rapport annuel ou Palmarès de l'époque, dont certaines données ici relatées ont été extraites. Qu'à cela ne tienne!

Voici, à toutes fins utiles, la liste des élèves de la Terminale en question: