Souvenirs ... Mes années St Etienne

André Grasser


Enfin un ancien élève qui ose nous faire partager ses souvenirs ... d'ancien élève ! A force de l'appeler de mes vœux, ceux-ci ont fini par être exaucés. Mais quel plaisir de lire ce témoignage frais et vivant ! Il nous donne l'impression de revivre au milieu de la cour de récréation cinquante années plus tôt. Avis aux lecteurs : à vos plumes ! Nous attendons vos mémoires pour les prochains numéros.

Je dois dire que mes deux premières Années de scolarité se sont passées a l’Institution du Temple Neuf, située place du Temple Neuf a Strasbourg. J’avais été placé là par commodité pour mes parents qui tenaient un petit commerce près de la place Gutenberg, ce qui leur permettait de me conduire et me reprendre beaucoup plus facilement à la sortie de l’école. Mes souvenirs de la onzième et de la dixième dans cette ecole sont assez vagues. Je me rappele surtout que nous étions 3 ou 4 garçons au milieu d’un régiment de filles. Un fait m’est resté néanmoins en mémoire et qui avait fait beaucoup rire mes parents. Notre maitresse, Mme MAURER, m’avait demandé qu’elle était ma religion. Comme je ne comprenait pas très bien la question elle m’a demandé si j’étais Protestant, Israélite ou Catholique. Comme ma seule réponse était toujours “Je suis Français”, elle pris contact avec ma mère à la sortie de l’école et appris ainsi, comme moi-même d’ailleurs, que j’étais catholique.


Pour l’entrée en neuvième mes parents m’ont inscrit au Collège St-Ftienne. J’avais 9 ans 1/2. Ma maitresse était Mlle Zins et je me suis enfin trouvé uniquement avec des garçons ce qui m’a fait grand plaisir, surtout pour les jeux durant les ”récrés” ou nous étions tenus de rester dans la cour des petits, située à gauche de la Chapelle. Cette année a du se passer sans faits particuliers dont j’aurai pu garder souvenir. Ce fut ensuite le passage en huitième avec Mlle BAUMANN ( à présent Mme WOLFF ) qui marqua un peu plus ma prime jeunesse. Tout d’abord je l’ai trouvée vraiment ravissante bien qu’imposant une stricte discipline, ce qui était surement nécessaire avec cette trentaine de garçons. J’ai gardé en mémoire un fait qui s’est passé lors d’une récréation.

L’histoire est la suivante:
Un GRAND de la classe de septième, fortement musclé, venait de temps en temps pour nous narguer et nous bousculer. Il en profitait bassement car aucun élève de huitième n’était aussi bien” baraqué” pour se permettre de lui tenir tête. Mais un jour il y eu quand même un courageux de notre classe (dont je ne me souviens pas du nom) qui n’accepta plus ce manège. Résultat, ce fut une retentissante bagarre à coups de poings où notre héros était en train d’avoir le dessous. A ce moment nous vîmes arriver notre maîtresse qui, rompant le cercle des spectateurs, empoigna le costaud de la septième et le mena fermement jusqu’à la porte de sa classe en demandant au maître de la septième de bien vouloir surveiller un peu mieux ses élèves. Le ”méchant” ne vint plus jamais nous ennuyer .... Cet épisode fit grandir en moi une grande admiration pour le courage de notre maitresse et la défense qu’elle nous apportait.


Ce fut ensuite le passage en septième avec un maitre, qui était prêtre et faisait les cours en soutane. Parmi les matières à étudier il y avait le latin.... Au début j’ai trouvé cela bien rébarbatif et je crois que je n’étais pas le seul. Tout se passa néanmoins correctement avec en final, le passage en sixième. A ce moment là ce fut le grand changement dans ma petite vie d’adolescent. En principe un maître par matière.... Quel bouleversement !!!! En outre j’étais faible en latin ce qui provoqua durant le deuxième trimestre mon transfert en sixième moderne et amena aussi un redoublement de la sixième moderne. Avec tout cela la perte des copains habituels. Heureusement j’ai reçu beaucoup d’aide de certains professeurs et cela me remis bien en selle. Vinrent ensuite les années cinquième et quatrième avec de très bons souvenirs du corps professoral comme Messieurs TANGUY, ANDLAUER et MATHERN. Je me souviens aussi de Mr l’Abbé BIETH qui nous enseignait l’Allemand et nous racontait parfois des histoires et des blagues en Patois Alsacien. Quelques bons moments de détente et de joie. Il y avait aussi notre professeur d’Anglais, Monsieur LEHMANN - surnommé “The Boy“. En arrivant en cours il nous disait invariablement "Good Morning Boys" et la réponse unanime était ”Good Morning Teatcher“. Il devait beaucoup fumer car sa moustache et sa barbichette étaient couleur tabac autour de la bouche. A partir de la troisième nous étions dans la cour des “Grands” ce qui nous donnait une sensation de supériorité. Les récréations étaient plus calmes et des groupes de conversation se formaient avec des discussions plus ou moins philosophique.. Nous n’étions plus en culottes courtes !!! Il y avait aussi, je me souviens, les prières dites au début des cours - c'est-à-dire le matin 8 heures, à midi, à 14 heures et 16 heures. Si au début des cours elles étaient dites assez lentement, par contre à midi et à 16 heures cela ne traînait pas!!


Fin Juillet 1939, c’est les vacances et mon admission en seconde avec demande de travailler les Math durant les congés afin de bien attaquer la rentrée d’Octobre. Mes parents avaient décidé que nous passerions 10 jours à Bandol sur la Côte d’Azur et ceci à partir du 28 Aôut je crois. Le 1er Septembre c’était l’affichage de la mobilisation Générale et nous fumes obligés de rentrer a Strasbourg en toute hâte dans un train bourré d’hommes mobilisés et dont un grand nombre avaient bu plus que de raison. Le 3 Septembre, ordre était donné d’évacuer Strasbourg et ce fut notre repli sur Raon l’Etape dans les Vosges. C’était la guerre et bien entendu plus question de rentrée scolaire au Collège en Octobre. C’est ainsi que finirent mes belles “Années Saint Etienne”

Tout cela c’est passé il y plus de 60 ans maintenant mais je garde toujours présent en moi tous ces souvenirs et surtout le dévouement et la compétence dont a fait preuve l’ensemble du corps professoral du Collège et qui a fait de tous ces ”gamins” des hommes et aussi des chrétiens armés a affronter la vie.

A toutes et à tous, Merçi de tout coeur.