Aggiornamento

Alain Taverne


Comme de coutume, Monsieur Alain Taverne, Directeur du Collège, nous fait part de ses réflexions sur l'actualité et le devenir de l'enseignement.

Le titre que je choisis pour les lignes qui suivent ne manquera pas d'évoquer, pour bon nombre d'anciens, la période du Concile Vatican II, marquée certes par de nombreux débats contradictoires, mais surtout par la volonté des Pères Conciliaires, sous l'impulsion du Pape Jean XXIII, de purifier la doctrine catholique, de mettre à jour les pratiques religieuses, d'évacuer le superflu devenu souvent inadéquat, et d'ouvrir largement la porte à l'œcuménisme. Ce terme quelque peu oublié depuis lors me semble particulièrement pertinent pour désigner - avec la modestie qui s'impose - la démarche d'Assises, simultanément entreprise par notre Diocèse et par l'Enseignement Catholique national, sous l'impulsion de son Secrétaire Général, M. Paul MALARTRE, pour la "mise à jour" de nos Etablissements Catholiques d'Enseignement, à la fois dans notre contribution au service public d'éducation, dans notre offre originale de formation et dans notre fonction ecclésiale de proposition de la Foi.

Il s'agit en effet d'assumer au mieux le rôle qui nous est imparti, dans la société et dans la nation, de renforcer la pertinence de nos projets éducatifs et de vérifier l'adéquation entre ce que nous affirmons vouloir être et ce que nous sommes réellement : audacieuse entreprise qui commence par l'écoute bienveillante et attentive des critiques qui peuvent nous être adressées, qui se développe dans un vigoureux effort d'imagination pédagogique et éducative, et s'épanouit dans l'instauration de nouvelles pratiques - ou la mise au point de modalités déjà engagées - vérifiant l'authenticité de nos propos.

Reconnus par la société, nous sommes associés à l'état, en qualité de partenaires, concourant au service public d'éducation. Nous ne sommes donc pas des quémandeurs de subventions en vue de financer une activité privée, mais bien co-responsables - pour les familles qui en font le choix d'une éducation conforme aux règles démocratiquement établies, mais bénéficiant d'une certaine autonomie, définie dans nos projets éducatifs, centrée sur la référence aux valeurs de l'évangile et la volonté de proposition de la Foi. Ouverts à tous les jeunes, sans distinction d'origine, de race ou de religion, notre tâche concerne la globalité de la personne et de ses relations, dans le respect (qui est bien plus que la tolérance) de ses convictions et de ses aspirations.

Il pourrait être rassurant de considérer que l'interpellation de ces Assises s'adresse aux seuls Etablissements qui connaissent des difficultés, ceux dont le secteur de recrutement n'est plus porteur des valeurs chrétiennes traditionnelles, les régions qui affrontent la baisse démographique. Ce serait s'engager dans une dangereuse politique de l'autruche et oublier nos valeurs et raisons d'être essentielles. Si le rôle de l'école n'était que la transmission d'un savoir défini dans les programmes, une telle mise en question pourrait être considérée comme blasphématoire. Malgré les appels de vrais éducateurs (souvent issus de notre monde chrétien), la personne de l'élève a longtemps été ignorée et son droit d'interroger limité au cadre déterminé par les programmes. Peut-être était-il nécessaire que la loi scolaire se transforme - comme elle l'a fait - en plaçant le jeune au cœur du système éducatif, pour amorcer un retournement des perspectives la fonction de l'enseignement n'est pas de pérenniser un savoir établi mais d'ouvrir aux jeunes les chemins de la découverte et de la recherche.

La multiplication des effectifs des jeunes effectuant des études d'une part, les vicissitudes, la diversification et la spécialisation de l'économie d'autre part ont conduit l'école à assumer ses responsabilités dans le domaine de l'orientation, à mesure qu'elle était conduite à se spécialiser elle-même. Mal compris au début, le terme a été assimilé à une affectation des jeunes, par la société, aux postes où elle aurait estimé avoir besoin d'eux. C'est effectivement ce qui apparaît dans certains cas. Or l'orientation, encore mal comprise par bien des familles, est en fait une préparation de l'avenir, fondée sur la reconnaissance de la personne de l'élève, qui doit en être le principal acteur. L'exigence n'est pas de définir dès l'enfance ou les débuts de l'adolescence le métier qui devrait être exercé plus tard (absurdité dans un monde où chaque adulte est appelé à changer de métier au cours de sa carrière et où chaque jour voit apparaître de nouveaux métiers). Il s'agit au contraire d'aider chaque jeune à identifier ses goûts et ses aptitudes et à construire une cohérence à partir d'eux. Comment respecter la personne sans vouloir son bonheur ? Il est donc nécessaire que chacun s'oriente vers la - ou les - activités professionnelles où il sera heureux, c'est-à-dire où il pourra donner "son maximum", où il exercera les responsabilités les plus hautes, dont il est capable. Tel est le sens de l'arsenal de moyens mis à la disposition des jeunes au Collège, et qui ne cesse d'évoluer.

Celle problématique ne peut se satisfaire d'un système figé : elle nécessite une adaptation de l'enseignement, surtout en l'absence des réponses qui nous permettraient de dispenser un système dogmatique de connaissances. Prenons-en pour preuve le passionnant domaine de la bioéthique, marqué quotidiennement par de nouvelles questions et qui nous repose sous des aspects totalement nouveaux la vieille interrogation qu'est-ce que l'homme ? Nous venons de proposer à nos élèves de Terminales une demi-journée de réflexion et d'échanges avec une dizaine d'experts représentant les divers domaines d'approche des interrogations actuelles sur la vie, l'embryon, le code génétique, etc. (biologie, médecine, droit, société, médias,...). Force est de constater combien les découvertes de la science en ce domaine - qui ne sont sans doute que des balbutiements pour la génération de nos élèves - dérangent les tenants d'un savoir ordonné ou les porte-parole d'une éthique prédéfinie, au point de souhaiter (pour certains) une interdiction de poursuivre la recherche scientifique (sic) ou de déformer délibérément les nouvelles certitudes pour les enfermer dans les définitions antérieures (par exemple celle du moment où un nouvel être humain accède à l'existence).

Les domaines de la Foi et de la connaissance du Christianisme n'échappent hélas pas plus à cette difficulté que nous avons à nous dépouiller des habitudes érigées en traditions pour discerner ce qui est chemin de Vérité : il y a peu, un représentant d'une instance nationale de l'Enseignement Catholique définissait le rôle du Chef d'établissement Catholique par le seul souci de transmission de la Foi....Quels efforts effectuons-nous pour distinguer, parmi nos convictions religieuses, ce qui est réel attachement au Christ et ce qui relève des interprétations intervenues au cours des siècles ? Il ne s'agit pas de récuser purement et simplement ces dernières - qui peuvent être indispensables - mais d'en reconnaître le statut différent dans notre proposition de Foi.

La Culture à laquelle l'école s'efforce de donner accès ne mérite-t-elle pas aussi d'être confrontée aux attentes de la personne : à quoi sert une culture (que l'on peut étaler en société) si elle n'alimente pas une quête perpétuelle de vérité, une cohérence de la personnalité, de ses relations et de ses comportements?

Ne disposant pas de recettes infaillibles pour réaliser cette ambition, la contribution de toutes les parties prenantes de la Communauté éducative est nécessaire, comme la mise en valeur des multiples expériences qu'elle permet de construire nous savons aujourd'hui la richesse incomparable qu'apporte un élève handicapé intégré à sa classe, la valeur inestimable du témoignage de l'élève juif, meurtri dans sa famille, lors de la découverte de l'horreur d'Auschwitz. Ces exemples sont exceptionnels, mais au cœur d'une communauté en quête d'une toujours plus grande humanité. Il n'est pas possible de citer ici toutes les réalisations qui le mériteraient au début de l'année, trois réunions pédagogiques ont été consacrées à la présentation d'innovations pédagogiques par leurs auteurs à l'ensemble de leurs collègues, et nous sommes restés loin du compte....

A vous, lecteurs de ces lignes, je voudrais lancer un appel vous pouvez contribuer à l'effort de vérité, d'humanité, de mise en oeuvre de la Bonne Nouvelle, auquel nous sommes attelés. Anciens élèves, vous êtes à l'œuvre dans notre société, beaucoup, parmi vous, sont parents d'élèves -ou en voie de le devenir. Si vous adhérez à ces perspectives, ne laissez pas les éducateurs professionnels agir seuls dans une ambition qui les dépasse et qui relève de la responsabilité de toute la société. Aidez-nous à faire en sorte que les baptisés et tous les hommes de bonne volonté se reconnaissent dans la lutte contre les préjugés et l'amour de la Vérité.