Pascal Meyvaert
Cest non sans une certaine émotion que je reçus linvitation que René KLEINMANN, notre cher Président dHonneur, madressait à la fin de lété dernier ; il sagissait dassister à la cérémonie de remise des insignes dOfficier de la Légion dHonneur. « Enfin ils vont la lui donner ! », me disais-je. Ce nétait pas trop tôt, et pourtant il me semblait quil la méritait plus que certaines personnes que lon peut voir parader avec cette distinction sur nos petits écrans
Dans
le cas présent, la cérémonie fut beaucoup plus intimiste
que sous les ors de la République dans le Palais de lElysée.
Si lon peut dire
car la salle de réception de la Mairie de
Brumath, pourtant spacieuse, était comble ce samedi 2 octobre 1999! Et
ce qui est certain, cest que les convives, qui connaissaient bien et appréciaient
tous René comme il se doit, vibraient en chur démotion
avec lui. Le pas de la porte une fois franchi, comme à laccoutumée
nous fûmes accueillis chaleureusement par la famille de notre ancien Président.
Et ce qui frappait demblée, cétait la même joie
et lesprit de communion qui régnait dans cette pièce. Pourtant
la famille du récipiendaire avait été durement atteinte
par le décès dun proche (le frère de René)
dans la semaine qui précédait. Mais encore une fois touchés
par la douleur, René et ses proches ont montré combien la vie
reprend toujours le dessus quelles que soient les épreuves à surmonter.
Et quand on repense au passé de notre ami, on conçoit combien
la vie représente un don de Dieu inégalable pour lui, sa foi lui
donnant la force et le courage darriver à bon port contre vents
et marées.
Parce que des épreuves, il en a croisé très jeune, mais jamais il na montré de faiblesse ni de découragement. Ainsi, dès lâge de 18 ans, il entre de plain pied dans la Seconde Guerre Mondiale, et de quelle façon ! Cest ici, je le pense, loccasion de revenir sur les faits de guerre et de résistance de René. Je mappuie pour ce propos sur les articles écrits par René dans des précédents numéros de lEcho (en particulier celui de 1997) mais aussi sur les remarques et corrections que René a gentiment accepté dapporter au présent article.
Au début de lOccupation, à la rentrée 40, René poursuit sa scolarité au Collège Saint-Jean, Annexe Kléber alors Karl-Roos Schule, après la fermeture du Collège Saint-Etienne (voir article de Louis Schlaefli dans lEcho 97, page 20), dans léquivalent de la classe de Première. Il intègre très vite un Groupe de Résistance Armée formé de 25 membres, appelé « LA MAIN NOIRE », dont la caractéristique est le jeune âge de ses membres, puisque plusieurs nont pas 18 ans à ce moment-là. Quatre étaient des élèves du Collège Saint-Etienne, dont René. Les actions organisées par cette organisation secrète étaient les suivantes : propagande française, gaulliste et anti-allemande (lettres, graffitis, ), sabotages (installations électriques des voies ferrées, crevaisons de pneus de véhicules militaires, ), attentat symbolique contre le Préfet allemand, le Gauleiter Robert Wagner alias Backfisch, en faisant exploser sa voiture vide, aide à lévasion de soldats français vers la France Libre, etc René sera arrêté une première fois en juillet 41, emprisonné à Mulhouse puis à Strasbourg pour être transféré au Camp de Schirmeck. Lors de sa détention, il sera volontaire pour porter secours à la population civile suite au bombardement de Strasbourg le 3 septembre 43, mais il sera en fait une fois arrivé sur place désigné par les Allemands pour déterrer et désamorcer les bombes non-explosées. Il avait alors tout juste 20 ans. Il sera libéré quinze jours plus tard, avant dêtre incorporé de force dans larmée allemande le 1er novembre de la même année. Il ne partira pas rejoindre le front de lEst comme bon nombre de ses compagnons alsaciens et lorrains. Simulant une crise de sciatique, il sera hospitalisé et soigné pendant deux semaines au Collège Lucie Berger tranformé en infirmerie militaire allemande. Il est alors envoyé dans la caserne Stirn de Strasbourg jusquen janvier 44 puis dans un camp de formation militaire sur la frontière germano-polonaise où il est mis aux arrêts pour « sabotage du moral de la troupe allemande » en raison des écrits retrouvés en sa possession. Il est alors transféré à la forteresse militaire de Strasbourg à lEsplanade où il comparait par deux fois devant le Tribunal Militaire en se défendant seul. Il est condamné à 18 mois de prison de régime disciplinaire, cest-à-dire envoyé au Front dans le bataillon disciplinaire 500. En deuxième audience, sa peine est réduite à 12 mois avec pour les six premières semaines 1 litre deau et 400 grammes de pain pendant deux jours de suite et le troisième jour 1 litre de soupe et 300 grammes de pain en alternance. Le 15 août 44, il est amené sous escorte par le train à Tiborlager sur lOder où il séjournera jusquau 01.11.44. Puis cest le départ pour le Front Ouest et, le 4 décembre, lévasion lors dune contre-attaque à Gay, près dAix-la-Chapelle. En plein hiver dans la forêt, il rejoint les Américains de lautre côté du Front. Après un interrogatoire rapide, il est remis aux Français à Laon grâce aux informations fournies aux services de renseignement de la première armée américaine. De là il rejoint Paris pour sengager dans le Service de Renseignements de la 1ère Armée Française où il servira de janvier à juin 45 comme sous-lieutenant avant de reprendre sa scolarité en classe de Philo à la rentrée 45 au Collège Saint-Etienne ! Une période bien remplie comme vous pouvez le constater, pour ceux du moins qui ne connaissaient pas encore son histoire !
Alors comment ne pas être ému aux larmes, en communion avec tous les amis présents autour de lui pour le soutenir et lui montrer leur profonde admiration et leur attachement, quand Monsieur le Colonel (e.r.) Gérard DUPONT , Commandeur de la Légion dHonneur, Président National de lA.N.C.V.R. (Association Nationale des Combattants Volontaires de la Résistance) remet solennellement ses insignes à René, tremblant démotion, les larmes aux yeux, la voix cassée à lévocation de tous ses souvenirs et surtout au rappel de la place primordiale que Francine, son épouse, et ses enfants occupent dans sa vie malgré toutes les responsabilités associatives quil a eues ou quil a encore. Chapeau, René ! Et cela méritait bien une vibrante Marseillaise que tous ont entonnée à pleins poumons.
Pour clôturer cette cérémonie, cest un bien-nommé
verre de lamitié qui a permis à tous déchanger
leurs émotions et de congratuler vivement René comme il le mérite.
Ce fut également loccasion de revoir plusieurs membres de notre
association venus en force partager ce moment de parfait bonheur avec notre
ami René. Des cérémonies ennuyeuses, il y en a beaucoup,
mais jamais je navais eu loccasion den vivre de si intense
et de si enthousiasmante. Je laisserai à René le mot de la fin,
mot qui doit être celui que je lui ai entendu prononcer le plus souvent
quand il se laisse envahir par leuphorie comme cest souvent le cas
: « FORMIDABLE
»